Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/91

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plus haut encore. Allons-nous mêler à la cime des pics, aux cieux azurés. Aimons-nous auprès du ciel ! »

En même temps le joli corsage, les bas à coins rouges, les souliers à boucles d’argent semblaient s’animer et courir ; le large front blanc et les beaux yeux de Marguerite s’allumaient d’une flamme inspirée… Vendale en perdait la raison.

Heureux concerts ! Il faut avouer, par exemple, qu’ils avaient eu d’abord plus de charme pour le jeune homme que pour Joey Laddle, son serviteur. Joey avait refusé avec fermeté de troubler ces flots d’harmonie en y mêlant sa voix trop rude. Il manifestait un suprême dédain pour ces distractions frivoles, et il avait envoyé promener « toute l’affaire. »

Un jour pourtant, Joey Laddle, le grognon, s’avisa de découvrir une source de véritable plaisir dans un chœur qu’il n’avait pas encore entendu. Ce jour-là il s’adoucit jusqu’à prédire que les garçons de cave, ses subordonnés, feraient peut-être à la longue quelque progrès dans un art pour lequel ils n’étaient point nés. Une antienne d’Haendel, le Dimanche suivant, acheva de le vaincre. Enfin, à quelque temps de là, l’apparition inattendue de Jarvis, armé d’une flûte, et d’un homme de journée, tenant un violon, et l’exécution par ces « deux artistes » d’un morceau fort bien enlevé, l’étonna jusqu’à le rendre stupide. Mais ce ne fut pas tout : à ce duo instrumental, un chant de Marguerite Obenreizer ayant succédé, il demeura bouche béante ; puis, quittant son siège d’un air solennel, faisant précéder ce qu’il allait dire d’un salut