Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/144

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un bout d’écriture, disant qu’elle voulait trouver de l’ouvrage comme couturière, et elle nous a demandé s’il n’y aurait aucun inconvénient à donner son adresse chez nous. (Ici Plornish répéta son adresse chez nous à mi-voix, comme s’il se fût trouvé à l’église et qu’il eût récité les litanies). Moi et Plornish, nous lui avons dit : « Mais non, mademoiselle Dorrit, aucun inconvénient » (Plornish répéta : aucun inconvénient.) Pour lors, elle a écrit notre adresse sur le papier. Même que moi et Plornish, nous lui avons dit : « Oh ! mademoiselle Dorrit ! » (Plornish répéta : Oh ! mademoiselle Dorrit !) « n’avez-vous pas pensé à en faire plusieurs exemplaires pour les répandre davantage ? — Non, dit Mlle Dorrit, je n’y avais pas pensé, mais je vais le faire. » Elle les copia donc sur cette table que voilà. Et, vraiment, comme c’était bien écrit ! si bien que Plornish en emporta un chez le gentleman pour qui il travaillait. Il avait de la besogne à ce moment-là (Plornish répéta : de la besogne à ce moment-là), et aussi chez le propriétaire de la cour, par qui Mlle Dorrit a été recommandée à Mme Clennam. »

Plornish répéta : recommandée à Mme Clennam ; et Mme Plornish étant arrivée à la fin de son discours, fit semblant de vouloir manger la petite main qu’elle se contenta d’embrasser.

« Le propriétaire de la cour, dit Arthur Clennam, se nomme… ?

— Il se nomme M. Casby, monsieur, voilà comment il se nomme, répondit Plornish, Casby et Panks qui vient toucher le loyer tous les samedis. Voilà, ajouta M. Plornish, appuyant sur cette proposition avec une lenteur rêveuse qui semblait n’avoir aucun motif spécifique et n’aboutir à rien, voilà à peu près tout ce que c’est ; vous me croirez si vous voulez.

— Comment ? répliqua M. Clennam, devenu rêveur à son tour ; M. Casby ! c’est une de mes vieilles connaissances ! »

M. Plornish, ne trouvant là aucun sujet de commentaire, n’en fit pas. Arthur Clennam, n’ayant vraiment aucune raison d’insister sur cette circonstance, arriva au véritable motif de sa visite, qui était de se servir de l’intermédiaire de Plornish pour faire relâcher Tip, afin que ce jeune détenu ne perdît pas l’habitude de compter sur lui-même et sur ses propres ressources, si toutefois il n’avait pas déjà perdu jusqu’au dernier vestige de cette honnête confiance en lui-même, car c’était une supposition hardie. Comme Plornish avait appris de la bouche même du créancier les motifs de l’incarcération, il déclara à M. Clennam que c’était un certain Chantre… non pas un chantre de paroisse, mais un marchand de chevaux de ce nom… et que lui Plornish pensait qu’en offrant cinquante pour cent on ferait très bien les choses ; que ce serait même jeter son argent par les fenêtres que de rien offrir de plus. Le patron et son intermédiaire ne tardèrent pas à monter dans un cabriolet, et se dirigèrent vers High-Holborn ; là ils se firent descendre devant la cour d’une écurie où un magnifique cheval hongre à robe grise, lequel valait au moins soixante-quinze guinées (sans tenir compte des balles de plomb qu’on lui avait fait avaler pour améliorer ses