Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/263

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et s’excusant de ne pouvoir obliger le fils. Il chargea alors Maggy de remettre les réponses et lui donna le shilling dont le mauvais succès de sa commission supplémentaire l’aurait privée sans cela.

Lorsqu’il eut rejoint la petite Dorrit, et qu’ils eurent recommencé à se promener comme auparavant, elle lui dit tout à coup.

« Je crois que je ferais mieux de m’en aller. Je ferais mieux de rentrer chez moi.

— Ne vous chagrinez pas, dit Clennam, j’ai répondu aux lettres. Ce n’était rien. Vous savez ce qu’elles disaient ? Ce n’était rien.

— Mais j’ai peur de le laisser seul, reprit-elle ; j’ai peur de les quitter l’un ou l’autre : je ne suis pas plutôt partie, qu’ils corrompent… sans le vouloir… jusqu’à Maggy.

— C’est une bien innocente commission que celle dont elle s’est chargée, la pauvre femme. Et elle ne vous la cachait que parce qu’elle croyait sans doute vous épargner par là quelque sujet d’inquiétude.

— Oui, je l’espère, je l’espère ; mais je ferais mieux de rentrer chez moi ! Il n’y a pas deux jours que ma sœur me disait que je m’étais tellement habituée à la prison que j’en avais pris le ton et le caractère. Il faut bien que cela soit ; je suis sûre que cela est quand je vois pareilles choses ; c’est là qu’est ma place ; il vaut mieux que j’y reste ; c’est de l’égoïsme de ma part de rester ici lorsque je puis faire le moindre bien là-bas. Adieu, j’aurais bien mieux fait de rester chez moi. »

L’angoisse avec laquelle elle prononça ces paroles, comme si elles s’échappaient violemment de son cœur comprimé, fit presque verser des larmes à Clennam en la regardant et en l’écoutant.

« Ne dites pas chez vous, en parlant de la prison, mon enfant ! Il est toujours pénible de vous entendre lui donner ce nom.

— Mais c’est mon chez moi ! En ai-je un autre ? Pourquoi l’oublierais-je un seul instant ?

— Vous ne l’oubliez jamais, chère petite Dorrit, lorsqu’il s’agit de rendre service.

— Je l’espère, oh ! je l’espère ! Mais il vaut mieux que je ne reste pas ici, j’en serai meilleure, plus soumise, plus heureuse. Ne m’accompagnez pas, je vous prie, laissez-moi aller seule. Adieu, que Dieu vous bénisse ! Merci, merci. »

Il sentit qu’il valait mieux respecter la prière de la petite Dorrit et il ne bougea pas lorsque la frêle et délicate enfant s’éloigna rapidement ; quand elle eut disparu, il se tourna vers la rivière et resta à rêver.

La découverte qu’elle venait de faire de cette correspondance aurait, en tout temps, affligé la petite Dorrit ; mais y aurait-elle, en un autre moment, paru si sensible ?

Non.

Lorsqu’elle avait vu le Doyen mendiant dans son déguisement râpé, et qu’elle avait supplié le visiteur de ne pas lui donner d’argent, elle avait été affligée, mais pas de cette façon-là ; il y avait