Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/262

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café pour écrire une lettre et me la donne en me disant : « Porte-la au même endroit, et s’il y a une bonne réponse, tu auras dix pence, » ce n’est pas ma faute, mère ! »

Arthur lut dans les yeux baissés de la petite Dorrit qu’elle devinait à qui les lettres étaient adressées.

« Je vais quelque part ; là ! Voilà où je vais, continua Maggy. Je vais quelque part ; ce n’est pas vous, petite mère, que cela regarde… mais c’est vous, vous savez (s’adressant à Arthur) : vous ferez bien d’aller aussi quelque part, pour que je vous y donne ce que j’ai à vous remettre.

— Nous ne ferons pas tant de cérémonie, Maggy ; donnez-le-moi dit Clennam à voix basse.

— Alors, venez de l’autre côté, répondit Maggy, parlant très haut, mais d’un air de mystère. Petite mère ne devait rien savoir de tout ça, et elle n’en aurait rien su si vous étiez seulement venu quelque part, au lieu de m’ennuyer et de flâner ici ; ce n’est pas ma faute ; il faut bien que je fasse ce qu’on me dit : c’est leur faute, à eux, pourquoi me l’ont-ils dit ? »

Clennam traversa de l’autre côté et parcourut rapidement les deux lettres. Celle du père disait que, se trouvant fort inopinément et pour la première fois de sa vie, trompé par le retard d’un remboursement qu’il attendait de la Cité et sur lequel il avait compté jusqu’au dernier moment, il prenait la plume : car il était privé par la malheureuse circonstance d’une captivité qui durait déjà depuis vingt-trois ans (doublement soulignés), de se présenter en personne, ce qu’autrement il n’aurait pas manqué de faire. Il mettait donc la main à la plume pour prier M. Clennam de lui avancer la somme de trois livres sterling et six shillings, pour laquelle il prenait la liberté de lui remettre d’avance, sous ce pli, son billet. Le fils, dans son épître, écrivait qu’il savait que M. Clennam serait enchanté d’apprendre qu’il avait enfin trouvé un emploi permanent et honorable, avec toutes les chances d’un brillant avenir ; mais que son patron, se trouvant dans l’impossibilité momentanée de payer à son employé un arriéré d’appointements, avait fait un appel à cette généreuse patience dont Tip comptait bien faire preuve envers ses semblables jusqu’à la fin de ses jours ; cet appel, joint à la conduite frauduleuse d’un faux ami et à la cherté des subsistances, menaçait de causer sa ruine prochaine, s’il ne parvenait pas à trouver, avant six heures de cette après-midi, la somme de huit livres sterling. M. Clennam serait charmé d’apprendre que, grâce à l’empressement de plusieurs amis qui avaient dans Tip une confiance sans bornes, il était parvenu à compléter cette somme, à l’exception d’une légère balance d’une livre sterling dix-sept shillings et quatre pence ; l’avance de cet appoint, payable à un mois de vue, aurait pour résultat de sauver Tip d’une ruine complète.

Clennam répondit sur-le-champ à ces lettres avec l’aide de son portefeuille et de son crayon, envoyant au père ce qu’il demandait