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LA PETITE DORRIT


savait ce que dirait la dame à l’éventail. N’avait-il pas voulu ouvrir les yeux d’un rival et le prévenir d’une manière hautaine sans lui adresser personnellement la moindre confidence ? Il se serait demandé si, dans tous les cas, on ne l’avait pas amené là pour s’amuser de ses émotions refoulées et pour le tourmenter. Puis les suppositions de Personne auraient été interrompues de temps à autre par un sentiment de honte ; sa franche nature lui aurait reproché d’entretenir un seul instant de pareils soupçons, en lui représentant qu’il s’écartait ainsi de la route élevée et désintéressée qu’il s’était tracée. Alors le combat intérieur eût été plus rude que jamais, et si par hasard il avait levé les yeux et qu’il eût rencontré le regard de Gowan, il aurait tressailli, comme s’il se sentait des torts envers lui.

Puis, contemplant la sombre route et les objets à moitié cachés dans l’obscurité, il se serait peu à peu laissé aller à une autre rêverie pour se demander : « Où allons-nous, lui et moi, sur le chemin encore plus sombre de la vie ? Quel est le sort qui nous attend, nous et elle, dans un lointain obscur ? Rêvant ainsi à Chérie, il se fût encore adressé de nouveaux reproches, se disant que ce n’était pas se montrer loyal envers elle que de céder à son antipathie, et que de pareilles préventions le rendaient moins digne d’elle qu’il ne l’avait jamais été. « Vous avez des idées noires, c’est clair, dit Gowan. J’ai grand’peur que ma mère ne vous ait atrocement assommé.

« Pas du tout, je vous assure, répondit Clennam. Ce n’est rien… rien du tout… »




CHAPITRE XXVII.

Vingt-cinq.


Vers cette époque, l’idée que les renseignements demandés par Pancks au sujet de la famille Dorrit pouvaient bien avoir quelque rapport avec les craintes qu’il avait exprimées lui-même à sa mère au retour de son long exil, causa beaucoup d’inquiétude à Clennam. Quels renseignements M. Pancks avait-il déjà réussi à obtenir sur le compte de cette famille ? Que voulait-il savoir encore ? Pourquoi se creusait-il la tête à propos de cette famille ? Autant de questions qui intriguaient fort souvent Clennam. M. Pancks n’était pas homme à perdre son temps et ses peines à des recherches suggérées par une oiseuse curiosité. Clennam ne pouvait douter qu’il ne se proposât un but bien déterminé. En poursuivant ce but,