Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Essayons encore une fois, » dit Clennam.

Il frappa de nouveau. À ce second appel, on entendit quelqu’un monter de la cuisine souterraine, et un pas traînard se diriger vers la porte.

L’étroit passage était si obscur, qu’ils ne purent voir la personne qui venait d’ouvrir la porte ; mais c’était sans doute une vieille femme.

« Pardon de vous avoir dérangée, dit Clennam. Pourriez-vous, par hasard, nous dire où demeure Mlle Wade ?

— C’est ici, répondit inopinément la voix de la vieille femme cachée dans l’obscurité.

— Est-elle chez elle ? »

N’obtenant pas de réponse, M. Meagles répéta :

— Voudriez-vous bien nous dire si Mlle Wade y est ?

— Je suppose que oui, répliqua la voix d’un ton brusque après un instant de silence ; si vous voulez monter, je vais demander. »

La porte se referma derrière eux et ils se trouvèrent emprisonnés dans cette sombre maison à l’atmosphère étouffante. Un frôlement leur annonça que leur guide s’éloignait, et ils entendirent sa voix qui leur disait, du haut des marches :

« Montez, s’il vous plaît, le chemin est libre. »

Ils montèrent donc à tâtons l’escalier, guidés par une faible lueur. Cette lumière était celle des réverbères de la rue, brillant à travers les vitres d’une croisée sans rideaux. La vieille ferma la porte et les laissa dans une chambre étouffée.

« Voilà qui est drôle, Clennam ! dit M. Meagles à voix basse.

— Assez drôle, en effet, répliqua Clennam sur le même ton ; mais nous avons réussi ; c’est là le principal. Voici venir une lumière ! »

Cette fois la lumière était une lampe, et celle qui la portait une vieille femme très-sale, très-ridée et très-desséchée.

« Elle est chez elle, dit la vieille (c’était la voix qui leur avait parlé en bas), elle va venir. »

Après avoir posé la lampe sur la table, la vieille épousseta ses mains avec son tablier (qui n’était guère propre à les nettoyer), regarda les visiteurs avec des yeux ternes, et sortit à reculons.

La dame qu’ils venaient voir, si en effet c’était elle qui habitait cette maison, semblait s’être installée là comme elle aurait pu s’établir dans un caravansérail oriental. Un petit tapis carré, étendu au centre du parquet, quelques meubles qui évidemment n’avaient pas été faits pour la chambre, avec une foule de malles et d’objets de voyage, composaient tout l’établissement de Mlle Wade. Du temps de quelque locataire moins nomade, il y avait eu dans ce petit étouffoir de salon une console dorée et un miroir, mais la dorure était maintenant aussi terne que les fleurs de l’an passé, et le miroir couvert d’un tel nuage, qu’on eût dit qu’il avait le pouvoir magique de conserver le mirage de tous les brouillards et de tous les mauvais temps qu’il avait reflétés. Les visiteurs n’eurent