Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/185

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« Blandois ! s’écria M. Dorrit, Venise ! Et ce signalement ! Je connais ce gentleman. Il a été reçu chez moi. C’est l’ami intime d’un gentleman de bonne famille un peu gêné, que je… hein !… protège.

— Alors, mon humble requête sera d’autant plus pressante. Lorsque vous retournerez en Italie, je vous prie d’être assez bon pour chercher cet étranger tout le long des routes et des chemins de traverse ; de demander de ses nouvelles dans les hôtels, auberges, vignobles, orangeries, volcans ou autres lieux ; car il faut bien qu’il soit quelque part… pourquoi donc ne se montre-t-il pas, pourquoi ne vient-il pas dire : Me voilà ! pour disculper les gens ?

— Puis-je savoir, madame, demanda M. Dorrit, consultant de nouveau l’affiche, ce que c’est que Clennam et compagnie ? ha ! dont on parle à propos de la maison où l’on a vu M. Blandois : qu’est-ce que Clennam et compagnie ? S’agit-il de l’individu avec lequel j’ai eu autrefois… hein !… des relations passagères et auquel, si je ne me trompe, vous avez fait allusion tantôt ?… ha !… est-ce lui dont il s’agit ?

— Il s’agit d’une tout autre personne, répondit Flora, d’une personne infirme qui remplace ses jambes par des roulettes… la plus lugubre des femmes, bien qu’elle soit sa mère…

— Clennam et compagnie est… hein !… une mère ! s’écria M. Dorrit.

— Et un vieux bonhomme tout tortu, par-dessus le marché, » ajouta Mme  Finching.

M. Dorrit parut sur le point de perdre la tête en écoutant ces étranges détails. Et sa situation morale ne s’améliora nullement lorsque Flora se lança dans une rapide analyse de la cravate de M. Flintwinch, et décrivit le personnage (sans tracer la moindre ligne de démarcation entre lui et Mme  Clennam), comme une vieille vis rouillée chaussée de guêtres. Cet amalgame d’homme et de femme, de jambes absentes, de roulettes, de vis rouillée, de taciturnité et de guêtres, stupéfia tellement M. Dorrit, qu’il faisait vraiment pitié à voir.

« Mais je ne vous retiendrais pas un instant de plus, » reprit Flora, sur qui le triste état de M. Dorrit produisit son effet, bien qu’elle n’eût pas la moindre idée qu’elle y fût pour quelque chose, « si vous aviez la bonté de me donner votre parole de gentilhomme que, le long de la route d’Italie et en Italie même, vous chercherez ce M. Blandois dans tous les coins et que, dès que vous l’aurez trouvé, vous le forcerez à venir ici disculper tout le monde. »

M. Dorrit, un peu revenu de sa première surprise, put répondre sans trop de trouble qu’il regarderait comme un devoir de se livrer à ces recherches. Flora, enchantée du succès de son ambassade, se leva pour prendre congé.

« Avec un million de remerciements, dit-elle, et mon adresse sur ma carte, dans le cas où vous auriez quelque chose à me communiquer personnellement… je ne vous prierai pas de dire bien des