Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/248

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— Ah ! plût à Dieu qu’il fût à cent lieues d’ici ! remarqua Mme Jérémie.

— Affery, je veux savoir ce qui se passe ici ; je veux éclaircir les mystères de cette maison.

— Je vous répète, Arthur, interrompit la vieille, que ces secrets sont des bruits, des frôlements, des frémissements, des tremblements, des sons de pas furtifs en haut et en bas.

— Mais il y a d’autres secrets que ceux-là ?

— Je n’en sais rien. Ne m’en demandez pas davantage. Votre ancienne bonne amie n’est pas loin, et vous savez qu’elle jacasse comme une pie. »

L’ancienne bonne amie d’Arthur (qui se trouvait en effet si près, qu’elle s’appuyait contre lui, formant un angle en arc-boutant de quarante-cinq degrés) intervint ici pour affirmer, avec plus de sincérité que de concision, que rien de ce qu’elle pourrait entendre n’irait plus loin, et qu’elle serait aussi muette que la tombe… « quand ce ne serait que par considération pour Arthur… pardon de cette familiarité… par considération pour Doyce et Clennam. »

« Je vous conjure de parler, Affery, vous qui êtes un des rares souvenirs agréables que m’ait laissés ma jeunesse, je vous conjure, au nom de ma mère, au nom de votre mari, je vous en supplie, dans mon intérêt et dans notre intérêt à tous. Je suis sûr que vous pourriez me fournir quelques renseignements sur cet homme qui a disparu, si vous vouliez.

— Eh bien, je vais vous dire, Arthur, répondit Affery… Mais voilà Jérémie qui revient…

— Non, je vous affirme que non. La porte est ouverte, et il est sur le seuil à causer avec quelqu’un.

— Je vous dirai alors, reprit la vieille après avoir écouté un instant, que la première fois que cet homme est venu, il a entendu des bruits aussi bien que moi. « Qu’est-ce que c’est que cela ? qu’il m’a demandé. — Je n’en sais rien, que je lui ai répondu en le saisissant par le bras dans ma frayeur, mais je les ai entendus mille et mille fois. » Pendant que je lui disais ça, il est resté à me regarder, tremblant comme une feuille, ma foi !

— Est-il venu souvent ?

— Non, seulement cette nuit-là et l’autre nuit qu’il est venu pour la dernière fois.

— Que s’est-il passé la seconde fois après mon départ ?

— Les deux finauds sont restés tout seuls avec lui. Lorsque j’ai eu fermé la porte derrière vous, Jérémie est arrivé vers moi de côté (c’est toujours comme ça quand il va me faire du mal) : « Ma vieille, qu’il me dit, je monte derrière toi, je vais te coucher, mon enfant. » Alors il m’a pris par la nuque et m’a serré le col à me faire bâiller comme une carpe, et m’a poussée jusqu’à notre chambre, m’étranglant le long de la route. Voilà ce qu’il appelle coucher les gens, lui ! Oh ! mais, il est méchant, allez !

— Et vous n’avez plus rien vu ni rien entendu ?