Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/247

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« Quoi ? qu’est-ce ? s’écria son aimable époux. Tu as donc besoin d’une dose ? Eh bien, tu en auras une, ma vieille, et une bonne ! sois tranquille ; c’est moi qui me charge de te l’administrer.

— En attendant, quelqu’un va-t-il ouvrir ? demanda Arthur.

— En attendant, je vais ouvrir, monsieur, riposta le vieillard d’un ton si furieux qu’il était facile de voir que, s’il avait eu le choix, il aurait bien mieux aimé ne pas s’absenter. Restez ici jusqu’à mon retour. Ma vieille, si tu bouges ou si tu dis un seul mot de tes sottises habituelles, je triplerai la dose ! »

Dès qu’il se fut éloigné, Arthur relâcha Mme Finching, non sans quelque peine, attendu que cette dame ne comprit pas tout d’abord les intentions de son cavalier, et s’apprêtait, au contraire, à se laisser serrer plus fort.

« Affery, parle-moi, maintenant.

— Ne me touchez pas, Arthur ! s’écria-t-elle reculant devant lui. N’approchez pas. Il va vous voir. Jérémie va vous voir. Laissez-moi !

— Il ne pourra pas me voir, si j’éteins la chandelle, répondit Arthur faisant ce qu’il disait.

— Il va vous entendre.

— Il ne pourra pas m’entendre, répliqua Arthur, si je vous attire dans ce cabinet pour y causer moment. Pourquoi vous cachez-vous le visage ?

— Parce que j’ai peur de voir quelque chose.

— Vous ne pouvez avoir peur de voir quelque chose dans l’obscurité, Affery ?…

— Si, j’ai plus peur ici que s’il faisait grand jour.

— Pourquoi avez-vous peur ?

— Parce que la maison est pleine de mystères et de secrets, parce qu’elle est pleine de murmures et de complots, parce qu’elle est remplie de bruits. Je n’ai jamais vu maison pareille pour les bruits. J’en mourrai, bien sûr, à moins que Jérémie ne m’étrangle auparavant, comme je m’y attends.

— Mais je n’ai entendu aucun bruit qui vaille la peine d’en parler.

— Ah ! sans doute, mais vous en entendriez assez si vous y demeuriez et si vous étiez obligé de la parcourir comme moi ; vous verriez alors qu’ils valent bien la peine qu’on en parle ou qu’on en crève de frayeur, si on vous empêche d’en parler… Voilà Jérémie qui revient !… Vous allez me faire tuer !

— Ma bonne Affery, je vous donne ma parole que je vois d’ici, sur les dalles du vestibule, une lumière qui prouve que la porte est encore ouverte. Vous la verriez comme moi, si vous vouliez abaisser ce tablier et regarder.

— Je n’ose pas. Je n’oserai jamais, Arthur ! J’ai toujours les yeux bandés quand Jérémie n’est pas là, et quelquefois même quand il y est.

— Il ne peut pas fermer la porte sans que je le sache. Vous êtes aussi en sûreté que s’il était à cinquante lieues d’ici.