Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/262

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au barreau, dans le tuyau de l’oreille, qu’on va bientôt voir s’augmenter le nombre des personnages titrés de ce royaume.

— Vraiment ? répondit Mme Merdle.

— Oui, vraiment, répéta l’Honneur du barreau, est-ce que l’oiseau n’en a rien glissé dans le tuyau d’une autre oreille… d’une adorable petite oreille ? »

L’Honneur du barreau lança un regard très-expressif vers celle des boucles d’oreilles de Mme Merdle qui se trouvait la plus rapprochée de lui.

« Est-ce de la mienne que vous voulez parler ? demanda Mme Merdle.

— Lorsque j’emploie le mot adorable, c’est toujours vous que je veux dire.

— Et moi, je crois que vous ne pensez jamais un mot de ce que vous dites, remarqua Mme Merdle (mais, après tout, elle n’avait pas l’air fâché le moins du monde).

— Oh ! quelle cruelle injustice !… Mais l’oiseau ?

— Vous savez que personne n’est moins au courant des nouvelles que moi, remarqua Mme Merdle se drapant avec nonchalance dans sa forteresse. De quoi s’agit-il ?

— Quel admirable témoin vous feriez ! s’écria l’Honneur du barreau. Aucun jury (ou bien il faudrait que ce fût un jury d’aveugles) ne saurait vous résister, quand même vous viendriez déposer tout de travers… Mais vous vous en tireriez si bien !

— Pourquoi cela, flatteur que vous êtes ? » demanda Mme Merdle en souriant.

L’Honneur du barreau balança trois ou quatre fois son lorgnon entre lui et la Poitrine, comme l’équivalent d’une réponse folâtre, et poursuivit de son ton le plus insinuant :

« Quel nom devrai-je donner à la plus élégante, la plus accomplie et la plus charmante de toutes les femmes, dans quelques semaines, peut-être dans quelques jours d’ici ?

— L’oiseau ne vous a donc pas dit tout ? répliqua Mme Merdle. Eh bien ! demandez-le lui demain, je vous en prie, et vous viendrez me dire ce qu’il vous aura répondu. »

Puis vint un chapelet de plaisanteries pareilles entre ces deux habiles interlocuteurs ; mais l’Honneur du barreau, malgré son adresse, en fut pour ses frais. Le docteur, reconduisant Mme Merdle jusqu’à sa voiture et causant avec elle, tandis qu’elle mettait son manteau, demanda à son tour des renseignements, mais sans détour, avec la franchise qui lui était habituelle.

« Oserai-je vous demander ce qu’il y a de vrai dans ce qu’on dit de Merdle ?

— Mon cher docteur, répondit Mme Merdle, vous m’adressez justement là une question que j’étais presque tentée de vous faire.

— À moi ? Et pourquoi à moi ?

— D’honneur, je crois que M. Merdle a plus de confiance en vous qu’en qui que ce soit.