Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/367

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— Je ne puis vous donner aucun renseignement. Maintenant me voilà quitte, j’espère, de votre incroyable question. Il ne les a pas laissés ici, et je n’ai aucun renseignement à vous donner.

— Allons ! soupira M. Meagles en se levant. J’en suis fâché. C’est une affaire finie. J’espère que vous ne m’en voulez pas de vous avoir dérangée pour rien ?… Tattycoram va bien, mademoiselle Wade ?

— Si Henriette va bien ? Oh oui ! très-bien.

— Bon ! voilà que j’ai fait une autre maladresse, dit M. Meagles en recevant cette leçon. Il paraît que je suis destiné à ne pas faire autre chose chez vous. Peut-être, si j’y avais réfléchi, ne lui aurais-je jamais donné ce nom retentissant comme un collier de clochettes ; mais quelquefois, avec la jeunesse, on se laisse aller à un mouvement de gaieté et de bonne humeur, sans y réfléchir autrement. Mademoiselle, voulez-vous bien vous charger de lui dire que son vieux patron lui fait ses compliments d’amitié ? »

Mademoiselle ne répondit rien ; M. Meagles retirant sa bonne figure de cette triste chambre, où elle brillait comme un soleil, la transporta à l’hôtel où il avait laissé Mme  Meagles, et lui adressa ce rapport en deux mots :

« Partie perdue, mère ! nous sommes battus. »

De là, il se transporta au paquebot de Londres qui partait cette nuit ; puis, enfin, à la prison de la Maréchaussée.

Le fidèle John était de garde, lorsque papa et maman Meagles se présentèrent à l’entrée de la loge vers l’heure du crépuscule. Mlle  Dorrit ne s’y trouvait pas pour le moment, leur dit-il ; mais elle était venue dans la matinée et elle revenait tous les soirs. M. Clennam allait beaucoup mieux ; Maggy, Mme  Plornish et M. Baptiste le soignaient à tour de rôle. Mlle  Dorrit ne manquerait certainement pas de revenir avant que la cloche eût sonné. Si les visiteurs n’étaient pas pressés, ils pourraient l’attendre dans la chambre que le directeur lui avait prêtée. Craignant que son apparition subite ne fit du mal au prisonnier, M. Meagles accepta l’offre et fut enfermé avec sa femme dans la chambre : il put de là se distraire à voir, à travers les grilles, la cour où se promenaient les détenus.

L’espace restreint de la prison fit sur Mme  Meagles une impression si vive qu’elle se mit à pleurer. M. Meagles, de son côté, croyait manquer d’air et se voyait sur le point d’étouffer. Il se promenait tout haletant dans la chambre, s’échauffant à vouloir se rafraîchir avec son foulard en guise d’éventail, lorsqu’il se tourna vers la porte qu’il venait d’entendre ouvrir.

« Eh mais ? Miséricorde ! s’écria M. Meagles. Ce n’est pas Mlle  Dorrit ! Voyez donc, mère ! Tattycoram ! »

Tattycoram en personne. Et dans les bras de Tattycoram, on voyait un coffret de fer d’environ deux pieds carrés. C’était bien une boîte pareille que Mme  Jérémie, dans un de ses rêves, avait vue sortir de la vieille maison sous le bras du frère jumeau du