Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/373

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— Assez souvent, répondit-elle avec timidité.

— Tous les jours ?

— Je crois, répliqua la petite Dorrit après un instant d’hésitation, que je suis venue au moins deux fois par jour. »

Peut-être Arthur aurait-il lâché la main mignonne après l’avoir embrassée tendrement, si cette main n’avait pas demandé à rester où elle était. Il la prit entre les siennes et la posa doucement sur son cœur.

« Chère petite Dorrit, ce n’est pas seulement ma captivité qui va cesser, votre sacrifice aussi doit avoir un terme. Il nous faudra apprendre à vivre loin l’un de l’autre, à suivre chacun de notre côté le chemin qui nous est tracé. Vous n’avez pas oublié ce que je vous ai dit la première fois que vous êtes revenue ici ?

— Oh non, je ne l’ai pas oublié. Mais il est arrivé quelque chose depuis… Vous vous sentez assez fort aujourd’hui, n’est-ce pas ?

— Oh ! je me sens très-fort, ma petite Dorrit. »

La main qu’il serrait dans les siennes monta doucement vers le visage du prisonnier.

« Vous sentez-vous assez fort pour apprendre quelle grande fortune je possède ?

— Je serais bien heureux de l’apprendre… Il n’y aura jamais de fortune assez grande pour la petite Dorrit.

— Voilà déjà longtemps que je brûle de vous le dire, bien longtemps. Vous ne voulez pas de ma fortune, bien sûr ?

— Jamais !

— Vous n’en voulez pas la moitié, bien sûr ?

— Jamais, chère petite Dorrit. »

Tandis qu’elle le regardait sans parler, le visage aimant de la jeune fille avait une expression qu’Arthur ne comprenait pas bien : elle avait l’air d’avoir envie de pleurer, et pourtant elle paraissait si heureuse et si fière !

« Vous serez fâché d’apprendre ce que j’ai à vous dire de Fanny. La pauvre Fanny a tout perdu : il ne lui reste que les appointements de son mari. Tout ce que papa lui a donné a été perdu de la même façon que votre argent. Sa fortune était entre les mêmes mains que la vôtre, et elle n’a plus rien. »

Arthur fut plus peiné que surpris.

« J’avais espéré que les choses ne tourneraient pas si mal pour elle, remarqua-t-il ; mais, comme son mari était le beau-fils de M. Merdle, je craignais en effet qu’elle ne perdît beaucoup.

— Oui, elle a tout perdu ; j’en suis fâchée pour Fanny ; très, très, très-fâchée pour ma pauvre Fanny. Mon pauvre frère est dans le même cas.

— Quoi ? il avait aussi de l’argent placé entre les mêmes mains ?

— Oui ! et tout est perdu. Devinez à combien se monte ma grande fortune ? »

Tandis qu’Arthur la regardait d’un air interrogateur, commen-