Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/378

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Comme on remarqua qu’elle dirigeait en même temps un coup d’œil irrité vers la prison pour dettes, il est à présumer que cette femme, d’une constance admirable, voulait parler d’Arthur Clennam. Mais ceci n’est qu’une simple hypothèse. Ou n’a jamais pu savoir quelle était cette mystérieuse victime qu’il fallait amener pour l’immoler à la colère de la tante de M. Finching, et que personne ne lui amena définitivement.

L’automne se passa. Maintenant, la petite Dorrit ne venait plus à la prison pour dettes sans monter chez le prisonnier. Non, non, non.

Un matin, tandis qu’Arthur s’attendait à chaque instant à entendre le bruit de ces pieds légers qui montaient chaque matin le pauvre escalier et faisaient battre son cœur, apportant la joie céleste d’un nouvel amour dans cette chambre où l’ancien amour de la pieuse fille avait combattu avec tant de courage et de fidélité ; un matin, tandis qu’il écoutait, il l’entendit qui montait ; mais elle ne montait pas seule.

« Cher Arthur, cria la voix joyeuse de l’autre côté de la porte, je vous amène quelqu’un. Puis-je le faire entrer ? »

Clennam avait cru entendre monter trois personnes. Il répondit :

« Oui, » et la petite Dorrit entra avec M. Meagles.

Papa Meagles, le teint bronzé et l’air guilleret, ouvrit les bras à Arthur et l’y serra comme un bronzé et brave compère qu’il était.

« Allons, tout va bien, dit M. Meagles au bout de quelques minutes. Voilà qui est fait. Arthur, mon cher garçon, avouez tout de suite que vous comptiez me voir beaucoup plus tôt.

— En effet, répondit Arthur ; mais Amy m’a dit…

— Petite Dorrit. Ne me donnez jamais d’autre nom.

(C’est la jeune fille qui avait murmuré ces paroles à l’oreille du prisonnier.)

— Mais la petite Dorrit m’a dit que, sans demander d’autres explications, je ne devais m’attendre à recevoir de vos nouvelles que le jour où je vous verrais.

— Eh bien, vous me voyez, mon garçon, s’écria M. Meagles en lui donnant une cordiale poignée de main ; et je vais vous donner toutes les explications possibles. Le fait est que je suis venu ici,… je suis venu tout droit vous voir en quittant messieurs les En avant ! marchons !… autrement je n’oserais pas vous regarder en face aujourd’hui,… mais vous n’étiez pas en état de recevoir des visites, et il m’a fallu repartir tout de suite pour rattraper Doyce.

— Pauvre Doyce ! soupira Clennam.

— Ne lui dites pas, derrière son dos, des sottises qu’il ne mérite pas, interrompit M. Meagles. Il n’est pas pauvre ; ses affaires marchent très-bien, je vous en réponds. Doyce est un grand homme, là-bas. Je vous assure que ça marche comme sur des roulettes là-bas. Il est bien tombé, ce brave Daniel ! Dans un pays où l’on ne tient pas à ce que les choses se fassent, et où l’on n’a pas envie de