Page:Dickens - Le Grillon du foyer.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
GRILLON DU FOYER

le papier ; enfin que le délabrement de la masure s’aggravait chaque jour. Elle ne sut jamais que la table à manger ne portait qu’une vaisselle ébréchée, que le découragement et les chagrins attristaient la maison, et que les cheveux de son père blanchissaient à vue d’œil. Elle ne sut jamais qu’ils avaient un maître froid, exigeant et intéressé ; elle ne sut jamais en un mot que Tackleton était Tackleton, mais elle vivait dans la croyance que dans son humour excentrique il aimait à plaisanter avec eux, et, qu’étant leur ange gardien, il dédaignait de leur dire une parole de remerciement.

Tout cela était l’œuvre de Caleb, l’œuvre de son brave homme de père ! Mais il avait aussi un Grillon dans son foyer ; et pendant qu’il écoutait avec tristesse sa musique, au temps que sa pauvre aveugle sans mère était jeune, cet esprit lui inspira la pensée que cette funeste privation de la vue pourrait être changée en bonheur, et que sa fille pourrait être rendue heureuse par ces petits moyens. Car tous les êtres de la tribu des grillons sont de puissants esprits, quoique ceux qui conversent avec eux ne le sachent pas le plus souvent, et il n’y a pas, dans le monde invisible, de voix plus aimables et plus vraies, sur lesquelles on puisse mieux compter, et qui donnent des conseils plus affectueux, que les voix du foyer et du coin du feu, quand elles s’adressent à l’espèce humaine.

Caleb et sa fille étaient ensemble à l’ouvrage dans leur chambre d’habitude, qui leur servait à tous les