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GRILLON DU FOYER.

assis et travaillaient. La jeune aveugle habillait une poupée, et Caleb peignait et vernissait la façade d’une charmante petite maison.

L’air soucieux imprimé sur les traits de Caleb, sa physionomie rêveuse et absorbée qui aurait convenu à un alchimiste et à un savant profond, faisaient au premier abord un contraste frappant avec la trivialité de son occupation. Mais les choses triviales, que l’on fait pour avoir du pain, deviennent au fond des choses sérieuses ; et je ne saurais dire, Caleb eût-il été lord chambellan, ou membre du parlement, un avocat, un grand spéculateur, s’il aurait passé son temps à faire des choses moins bizarres, tandis que je doute fort qu’elles eussent été moins innocentes.

— Vous avez donc été à la pluie hier soir, père, avec votre belle redingote neuve ? lui dit sa fille.

— Avec ma belle redingote neuve ? répondit Caleb, en jetant sur la corde où séchait suspendue la vieille souquenille de toile d’emballage que nous avons décrite.

— Que je suis heureuse que vous l’ayez achetée, père.

— Et à un tel tailleur, encore, dit Caleb. Le tailleur le plus à la mode. Elle est trop belle pour moi.

La jeune aveugle quitta son ouvrage et se mit à rire avec bonheur.

— Trop belle, père ! Qu’est-ce qui peut être trop beau pour vous ?