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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/110

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dans la plus profonde disgrâce pour avoir osé suggérer que j’étais, aux yeux de miss Havisham, l’égal des chiens qui avaient combattu héroïquement pour les côtelettes de veau.

« Si ta tête folle ne peut exprimer d’idées plus raisonnables que celles-là, dit ma sœur, et que tu aies à travailler, tu ferais mieux de t’y mettre de suite. »

Et le pauvre homme sortit sans mot dire.

Quand M. Pumblechook fut parti, et que ma sœur eut gagné son lit, je me rendis à la dérobée dans la forge, où je restai auprès de Joe jusqu’à ce qu’il eût fini son travail, et je lui dis alors :

« Joe, avant que ton feu ne soit tout à fait éteint, je voudrais te dire quelque chose.

— Vraiment, mon petit Pip ! dit Joe en tirant son escabeau près de la forge ; dis-moi ce que c’est, mon petit Pip.

— Joe, dis-je en prenant la manche de sa chemise et la roulant entre le pouce et l’index, tu te souviens de tout ce que j’ai dit sur le compte de miss Havisham.

— Si je m’en souviens, dit Joe ; je crois bien, c’est merveilleux !

— Oui, mais c’est une terrible chose, Joe ; car tout cela n’est pas vrai.

— Que dis-tu, mon petit Pip ? s’écria Joe frappé d’étonnement. Tu ne veux pas dire, j’espère, que c’est un…

— Oui, je dois te le dire, à toi, tout cela c’est un mensonge.

— Mais pas tout ce que tu as raconté, bien sûr ; tu ne prétends pas dire qu’il n’y a pas de voiture en velours noir, hein ? »

Je continuai à secouer la tête.