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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/128

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noir les pauvres petits orphelins ?… » Comme Mathew ! Quelle idée !…

— Il y a du bon chez lui, dit le cousin John, il y a du bon chez lui ; je ne nie pas qu’il n’y ait du bon chez lui, mais il n’a jamais eu, et n’aura jamais le moindre sentiment des convenances.

— Vous savez combien j’ai été obligée d’être ferme, dit Camille. Je lui ai dit : « Il faut que cela soit, pour l’honneur de la famille ! » Et je lui ai répété que si l’on ne portait pas le deuil, la famille était déshonorée. Je discourus là-dessus, depuis le déjeuner jusqu’au dîner, au point d’en troubler ma digestion. Alors il se mit en colère et, en jurant, il me dit : « Eh bien ! faites comme vous voudrez ! » Dieu merci, ce sera toujours une consolation pour moi de pouvoir me rappeler que je sortis aussitôt, malgré la pluie qui tombait à torrents, pour acheter les objets de deuil.

— C’est lui qui les a payés, n’est-ce pas ? demanda Estelle.

— On ne demande pas, ma chère enfant, qui les a payés, reprit Camille ; la vérité, c’est que je les ai achetés, et j’y penserai souvent avec joie quand je serai forcée de me lever la nuit. »

Le bruit d’une sonnette lointaine, mêlé à l’écho d’un bruit ou d’un appel venant du couloir par lequel j’étais arrivé, interrompit la conversation et fit dire à Estelle :

« Allons, mon garçon ! »

Quand je me retournai, ils me regardèrent tous avec le plus souverain mépris, et, en sortant, j’entendis Sarah Pocket qui disait :

« J’en suis certaine. Et puis après ? »

Et Camille ajouta avec indignation :

« A-t-on jamais vu pareille chose ! Quelle i… dé… e !… »