Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/161

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m’engager, par contrat, à être l’apprenti de Joe. Mais ce qui ne me sembla pas drôle du tout, c’est que Pumblechook me poussait devant lui, comme si j’avais fouillé dans une poche, ou incendié un meuble. Tout le monde croyait que j’avais commis quelque mauvaise action et que j’avais été pris en flagrant délit, car j’entendais des gens autour de moi qui disaient : « Qu’a-t-il fait ? » Et d’autres : « Il est encore tout jeune ; mais il a l’air d’un mauvais drôle, n’est-ce pas ? » Un personnage, à l’aspect bienveillant, alla même jusqu’à me donner un petit livre, orné d’une vignette sur bois, représentant un jeune mauvais sujet, portant un attirail de chaînes, aussi complet que celui de l’étalage d’un marchand de saucisses et intitulé : « POUR LIRE DANS MA CELLULE. »

C’était un endroit singulier, que la grande salle où nous entrâmes. Les bancs me parurent encore plus grands que ceux de l’église. Il y avait beaucoup de spectateurs pressés sur ces bancs, et des juges formidables, dont l’un avait la tête poudrée. Les uns se couchaient dans leur fauteuil, croisaient leurs bras, prenaient une prise de tabac, et s’endormaient. Les autres écrivaient ou lisaient le journal. Il y avait aussi plusieurs sombres portraits appendus aux murs et qui parurent à mes yeux peu connaisseurs un composé de sucre d’orge et de taffetas gommé. C’est là que, dans un coin, mon identité fut dûment reconnue et attestée, le contrat passé, et que je fus engagé. M. Pumblechook me soutint pendant tous ces petits préliminaires, comme si l’on m’eût conduit à l’échafaud.

En sortant, et après nous être débarrassés des enfants, que l’espoir de me voir torturer publiquement avait excités au plus haut point, et qui furent très-désappointés en voyant que mes amis m’entouraient, nous