Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/160

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— Mais on dirait que c’est très-beau, continua ma sœur.

— Eh ! bien, dit Joe, c’est plus de vingt livres. »

Cet hypocrite de Pumblechook continuait ses signes de tête, et dit en riant.

« Plus que cela, ma nièce… Très-bien ! Continuez, Joseph, continuez.

— Eh bien ! pour en finir, dit Joe en tendant le sac à ma sœur, c’est vingt-cinq livres que miss Havisham a données.

— Vingt-cinq livres, ma nièce, répéta cette vile canaille de Pumblechook, en prenant les mains de ma sœur. Et ce n’est pas plus que vous ne méritez. Ne vous l’avais-je pas dit, lorsque vous m’avez demandé mon opinion ? et je souhaite que cet argent vous profite. »

Si le misérable s’en était tenu là, son rôle eût été assez abject ; mais non, il parla de sa protection d’un ton qui surpassa toutes ces hypocrisies antérieures.

« Voyez-vous, Joseph, et vous, ma nièce, dit-il en me tiraillant par le bras, je suis de ces gens qui vont jusqu’au bout et surmontent tous les obstacles quand une fois ils ont commencé quelque chose. Ce garçon doit être engagé comme apprenti, voilà mon système ; engagez-le donc sans plus tarder.

— Nous savons, mon oncle Pumblechook, dit ma sœur en serrant le sac dans ses mains, que nous vous devons beaucoup.

— Ne vous occupez pas de moi, ma nièce, repartit le diabolique marchand de graines, un plaisir est un plaisir ; mais ce garçon doit être engagé par tous les moyens possibles, et je m’en charge. »

Il y avait un tribunal à la maison de ville, tout près de là, et nous nous rendîmes auprès des juges pour