Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa pipe, pour n’en pas gâter les effets par une répétition.

« Tu vois, mon petit Pip, continua Joe aussitôt que ce danger fut passé, miss Havisham t’a fait un joli présent ; eh bien ! après t’avoir fait ce joli présent, elle m’a pris à part pour me dire que c’était tout.

— Oui, Joe, j’ai entendu ce qu’elle t’a dit.

— Tout ! répéta Joe avec emphase.

— Oui, Joe, je t’assure que j’ai entendu.

— Ce qui voulait dire, sans doute, mon petit Pip : tout est terminé entre nous… restons chacun chez nous… vous au nord, moi au midi… Rompons tout à fait. »

J’avais pensé tout cela, et j’étais très-désappointé de voir que Joe avait la même opinion, car cela rendait la chose plus vraisemblable.

« Mais, Joe…

— Oui, mon pauvre petit Pip.

— … Voilà près d’un an que je suis ton apprenti, et je n’ai pas encore remercié miss Havisham de ce qu’elle a fait pour moi. Je n’ai pas même été prendre de ses nouvelles, ou seulement témoigné que je me souvenais d’elle.

— C’est vrai, mon petit Pip, et à moins que tu ne lui offres une garniture complète de fers, ce qui, je le crains bien, ne serait pas un présent très-bien choisi, vu l’absence totale de chevaux…

— Je ne veux pas parler de souvenirs de ce genre-là ; je ne veux pas lui faire de présents. »

Mais Joe avait dans la tête l’idée d’un présent, et il ne voulait pas en démordre.

« Voyons, dit-il, si l’on te donnait un coup de main pour forger une chaîne toute neuve pour mettre à la porte de la rue ? Ou bien encore une grosse ou deux de pitons à vis, dont on a toujours besoin dans un mé-