Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/208

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M. Wopsle, que ce même homme pourrait être appelé à siéger comme juré dans ce même procès, après s’être ainsi prononcé d’avance, et qu’il retournerait au sein de sa famille et mettrait tranquillement sa tête sur son oreiller, après avoir juré d’écouter avec impartialité, et de juger de même, entre le roi, notre souverain maître, et le prisonnier amené à la barre, et de rendre un verdict basé sur l’entière évidence… Que Dieu lui vienne en aide ! »

Nous étions tous persuadés maintenant que l’infortuné M. Wopsle avait été trop loin, et qu’il ferait mieux d’abandonner cette voie dangereuse pendant qu’il en était encore temps. L’étrange individu, avec un air d’autorité incontestable et une manière de nous faire comprendre qu’il savait sur chacun de nous quelque chose de secret, qu’il ne tenait qu’à lui de dévoiler, quitta sa place et vint se placer dans l’espace laissé libre entre les bancs, où il resta debout devant le feu, sa main gauche dans sa poche et l’index de sa main droite dans sa bouche.

« D’après les informations que j’ai reçues, dit-il, en nous passant en revue, j’ai quelque raison de croire qu’il y a parmi vous un forgeron du nom de Joseph ou Joe Gargery. Qui est-ce ?

— Le voici, » fit Joe.

L’étrange individu lui fit signe de quitter sa place, ce que Joe fit aussitôt.

« Vous avez un apprenti, continua l’étranger, vulgairement connu sous le nom de Pip. Est-il ici ?

— Me voici, » m’écriai-je.

L’étranger ne me reconnut pas, mais moi je le reconnus pour le même monsieur que j’avais rencontré sur l’escalier, lors de ma seconde visite à miss Havisham. Il était trop reconnaissable pour que j’eusse pu l’ou-