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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/241

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gers, j’ai appris cela, Pip. Ainsi donc tu pars demain ?

— Oui, miss Havisham.

— Et tu es adopté par une personne riche ?

— Oui, miss Havisham.

— Une personne qu’on ne nomme pas ?

— Non, miss Havisham.

— Et M. Jaggers est ton tuteur ?

— Oui, miss Havisham. »

Elle se complaisait dans ces questions et ces réponses, tant était vive sa joie en voyant le désappointement jaloux de Sarah Pocket.

« Eh bien ! continua-t-elle, tu as à présent une carrière ouverte devant toi. Sois sage, mérite ce qu’on fait pour toi, et profite des conseils de M. Jaggers. »

Elle fixait les yeux tantôt sur moi, tantôt sur Sarah, et la figure que faisait Sarah amenait sur son visage ridé un cruel sourire.

« Adieu, Pip, tu garderas toujours le nom de Pip, tu entends bien !

— Oui, miss Havisham.

— Adieu, Pip. »

Elle étendit la main ; je tombai à genoux, je la saisis et la portai à mes lèvres. Je n’avais pas prévu comment je devais la quitter, et l’idée d’agir ainsi me vint tout naturellement au moment voulu. Elle lança sur Sarah un regard de triomphe, et je laissai ma bienfaitrice les deux mains posées sur sa canne, debout au milieu de cette chambre tristement éclairée, à côté du gâteau moisi des fiançailles, que ses toiles d’araignées dérobaient à la vue.

Sarah Pocket me conduisit jusqu’à la porte, comme si j’eusse été un fantôme qu’elle eût souhaité voir dehors. Elle ne pouvait revenir du changement qui s’était