Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/242

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opéré en moi, et elle en était tout à fait confondue. Je lui dis :

« Adieu, miss Pocket. »

Elle se contenta de me regarder fixement, et paraissait trop préoccupée pour se douter que je lui avais parlé. Une fois hors de la maison, je me rendis, avec toute la célérité possible, chez Pumblechook. J’ôtai mes habits neufs, j’en fis un paquet, et je revins à la maison, vêtu de mes habits ordinaires, beaucoup plus à mon aise, à vrai dire, quoique j’eusse un paquet à porter.

Et maintenant, ces six jours qui devaient s’écouler si lentement, étaient passés, et bien rapidement encore, et le lendemain me regardait en face bien plus fixement que je n’osais le regarder. À mesure que les six soirées s’étaient d’abord réduites à cinq, puis à quatre, puis à trois, enfin à deux, je me plaisais de plus en plus dans la société de Joe et de Biddy. Le dernier soir, je mis mes nouveaux vêtements pour leur faire plaisir, et je restai dans ma splendeur jusqu’à l’heure du coucher. Nous eûmes pour cette occasion un souper chaud, orné de l’inévitable volaille rôtie, et pour terminer nous bûmes un peu de liqueur. Nous étions tous très-abattus, et nous essayions vainement de paraître de joyeuse humeur.

Je devais quitter notre village à cinq heures du matin, portant avec moi mon petit portemanteau. J’avais dit à Joe que je voulais partir seul. Mon but, je le crois et je le crains, était, en agissant ainsi, d’éviter le contraste choquant qui se serait produit entre Joe et moi, si nous avions été ensemble jusqu’à la diligence. J’avais tout fait pour me persuader que l’égoïsme était étranger à ces arrangements, mais une fois rentré dans ma petite chambre, où j’allais dormir pour la dernière