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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/243

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fois, je fus bien forcé d’admettre qu’il en était autrement. J’eus un instant l’idée de descendre pour prier Joe de vouloir bien m’accompagner le lendemain matin, mais je n’en fis rien.

Toute la nuit, je vis des diligences qui, toutes, se rendaient en tout autre endroit qu’à Londres ; elles étaient attelées, tantôt de chiens, tantôt de chats, tantôt de cochons, tantôt d’hommes, mais nulle part je ne voyais la moindre trace de chevaux. Je rêvai de voyages manqués et fantastiques, jusqu’au point du jour, moment où les oiseaux commencèrent à chanter. Alors je me levai, et m’étant habillé à demi, je m’assis à la croisée pour jouir une dernière fois de la vue, et là je me rendormis.

Biddy s’était levée de grand matin pour me préparer à déjeuner. Bien que je ne dormisse pas une heure à la fenêtre, je sentis la fumée du feu de la cuisine, lorsque je m’éveillai, et j’eus l’idée terrible que l’après-midi devait être avancée. Quand j’eus entendu pendant longtemps le bruit des tasses, et que je pensai que tout était prêt, je me fis violence pour descendre, et malgré tout je restais là. Je passai mon temps à dessangler mon portemanteau, à l’ouvrir et à le fermer alternativement, jusqu’au moment où Biddy me cria de descendre et qu’il était déjà tard.

Je déjeunai précipitamment et sans appétit, après quoi je me levais de table, en disant avec une sorte de gaieté forcée :

« Allons, je suppose qu’il est l’heure de partir. »

Alors j’embrassai ma sœur, qui riait en agitant la tête dans son fauteuil comme d’habitude ; j’embrassai Biddy, et je jetai mes bras autour du cou de Joe. Je pris ensuite mon petit portemanteau et je partis. Bientôt j’entendis du bruit, et je regardai derrière moi : je