Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’avais vu dans le jardin entre les mains de Mrs  Pocket, était un traité de blason, et qu’elle connaissait la date exacte à laquelle son grand-papa aurait figuré dans le livre, s’il avait jamais dû y figurer. Drummle parlait peu ; mais, dans ces rares moments de loquacité, il me fit l’effet d’une espèce de garçon boudeur ; il parlait comme un des élus et reconnaissait Mrs  Pocket comme femme et comme sœur. Excepté eux et Mrs  Coiler, la pernicieuse voisine, personne ne prit le moindre intérêt à cette partie de la conversation, et il me sembla qu’elle était pénible pour Herbert. Elle promettait de durer encore longtemps, lorsque le groom vint annoncer un malheur domestique. En effet, la cuisinière avait manqué son rôti. À mon indicible surprise, je vis alors pour la première fois M. Pocket se livrer, pour soulager son esprit, à une démonstration qui me sembla fort extraordinaire, mais qui ne parut faire aucune impression sur les autres convives, et avec laquelle je me familiarisai bientôt comme tout le monde. Étant en train de découper, il posa sur la table son couteau et sa fourchette, passa ses deux mains dans ses cheveux en désordre et parut faire un violent effort pour se soulever avec leur aide. Après cela, voyant qu’il ne soulevait pas sa tête d’une ligne, il continua tranquillement ce qu’il était en train de faire.

Ensuite, Mrs  Coiler changea de sujet et commença à me faire des compliments. Cela me plut pendant quelques instants ; mais elle me flatta si brutalement, que le plaisir ne dura pas longtemps. Elle avait une manière serpentine de s’approcher de moi, lorsqu’elle prétendait s’intéresser sérieusement aux localités et aux amis que j’avais quittés, qui ressemblait à celle de la vipère à langue fourchue, et quand, par hasard, elle s’adressait à Startop, lequel lui parlait fort peu, ou à