Aller au contenu

Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tendre ma réponse, il faisait craquer ses bottes, comme si elles eussent ri d’un rire sec et méfiant. Comme il sortit en ce moment, et que Wemmick était assez causeur, je dis à Wemmick que j’avais peine à comprendre les manières de M. Jaggers.

« Dites-lui cela, et il le prendra comme un compliment, répondit Wemmick. Il ne tient pas à ce que vous le compreniez. Oh ! ajouta-t-il, car je paraissais surpris, ceci n’est pas personnel ; c’est professionnel… professionnel seulement. »

Wemmick était à son pupitre ; il déjeunait et grignotait un biscuit sec et dur, dont il jetait de temps en temps de petits morceaux dans sa bouche ouverte, comme s’il les mettait à la poste.

« Il me fait toujours l’effet, dit Wemmick, de s’amuser à tendre un piège à homme, et de le veiller de près. Tout d’un coup, clac ! vous êtes pris ! »

Sans remarquer que les pièges à hommes n’étaient pas au nombre des aménités de cette vie, je dis que je le supposais très-adroit.

« Profond, dit Wemmick, comme l’Australie, en indiquant avec sa plume le parquet du cabinet, pour faire comprendre que l’Australie était l’endroit du globe le plus symétriquement opposé à l’Angleterre. S’il y avait quelque chose de plus profond que cette contrée, ajouta Wemmick en portant sa plume sur le papier, ce serait lui. »

Je lui dis ensuite que je supposais que le cabinet de M. Jaggers était une bonne étude. À quoi Wemmick répondit :

« Excellente ! »

Je lui demandai encore s’ils étaient beaucoup de clercs. Il me dit :

« Nous ne courons pas beaucoup après les clercs,