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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/310

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dire qu’ils me cajolaient dans ma prospérité avec la bassesse la plus vile. Quant à M. Pocket, ils le regardaient comme un grand enfant n’ayant aucune notion de ses propres intérêts, et ils lui témoignaient cependant la complaisante déférence que je leur avais entendu exprimer à son égard. Ils avaient un profond mépris pour Mrs Pocket, mais ils convenaient que la pauvre âme avait éprouvé un cruel désappointement dans sa vie, parce que cela faisait rejaillir sur eux un faible rayon de considération.

Tel était le milieu dans lequel je m’étais installé, et dans lequel je devais continuer mon éducation. Je contractai bientôt des habitudes coûteuses, et je commençai par dépenser une quantité d’argent, qui, quelque temps auparavant, m’aurait paru fabuleuse ; mais, tant bien que mal, je pris goût à mes livres. Je n’avais d’autre mérite que d’avoir assez de sens pour m’apercevoir de mon insuffisance. Entre M. Pocket et Herbert, je fis quelques progrès. J’avais sans cesse l’un ou l’autre sur mes épaules pour me donner l’élan qui me manquait et m’aplanir toutes les difficultés. Si j’avais moins travaillé j’aurais été infailliblement un aussi grand niais que Drummle.

Je n’avais pas revu M. Wemmick depuis quelques semaines, lorsqu’il me vint à l’idée de lui écrire un mot pour lui proposer de l’accompagner chez lui un soir ou l’autre. Il me répondit que cela lui ferait bien plaisir, et qu’il m’attendrait à son étude à six heures. Je m’y rendis et je le trouvai en train de glisser dans son dos la clef de son coffre-fort au moment où l’horloge sonnait.

« Avez-vous pensé aller à pied jusqu’à Walworth ? dit-il.

— Certainement, dis-je, si cela vous va.