Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/317

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punch étant très-bon, nous restâmes à boire et à causer jusqu’à près de neuf heures.

« Le moment de tirer le canon approche, dit alors Wemmick, en déposant sa pipe, c’est le régal du vieux. »

Nous rentrâmes au château et nous y trouvâmes le vieillard occupé à rougir un pocker. C’était un de ces préliminaires indispensables à cette grande cérémonie nocturne, et ses yeux exprimaient l’attente la plus vive. Wemmick était là, la montre sous les yeux, attendant le moment de prendre le fer des mains du vieillard pour se rendre à la batterie. Il le prit, sortit, et bientôt le canon partit, en faisant un bruit qui fit trembler la pauvre petite boite de cottage comme si elle allait tomber en pièces, et résonner tous les verres et jusqu’aux tasses à thé. Là-dessus le vieux, qui aurait, je crois, été lancé hors de son fauteuil s’il ne s’était pas retenu à ses bras, s’écria d’une voix exaltée :

« Il est parti !… je l’ai entendu !… »

Et je lui fis des signes de tête jusqu’au moment où je pus lui dire, ce qui n’était pas une figure de rhétorique, qu’il m’était absolument impossible de le voir.

Wemmick employa le temps qui s’écoula entre cet instant et le souper à me faire admirer sa collection de curiosités. La plupart étaient d’une nature criminelle. C’était la plume avec laquelle avait été commis un faux célèbre, un ou deux rasoirs de distinction, quelques mèches de cheveux et plusieurs confessions manuscrites formulées après la condamnation, et auxquelles M. Wemmick attachait une valeur particulière, comme n’étant toutes, pour me servir de ses propres paroles, « qu’un tas de mensonges, monsieur. » Ces dernières étaient agréablement disséminées parmi des petits spécimens de porcelaine de Chine, des verres et diverses