Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/323

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— L’araignée ? dis-je.

— Le pustuleux, le paresseux, le sournois… ; quel est celui qui est couperosé ?

— C’est Bentley Drummle, répliquai-je ; celui au visage délicat est Startop. »

Sans faire la moindre attention au visage délicat, il répondit :

« Bentley Drummle est son nom ?… Vraiment !… J’ai du plaisir à regarder ce gaillard-là… »

Il commença immédiatement à parler à Drummle, ne se laissant pas rebuter par sa lourde manière de répondre et ses réticences ; mais apparemment incité au contraire à lui arracher des paroles. Je les regardais tous les deux, quand survint entre eux et moi la gouvernante, qui apportait le premier plat du dîner.

C’était une femme d’environ quarante ans, je suppose ; mais j’ai pu la croire plus vieille qu’elle n’était réellement, comme la jeunesse a l’habitude de faire. Plutôt grande que petite, elle avait une figure vive et mobile, extrêmement pâle, de grands yeux bleus flétris, et une quantité de cheveux flottants. Je ne saurais dire si c’était une affection du cœur qui tenait ses lèvres entr’ouvertes, comme si elle avait des palpitations, et qui donnait à son visage une expression curieuse d’étonnement et d’agitation ; mais je sais que j’avais été au théâtre voir jouer Macbeth un ou deux soirs auparavant, et que son visage me paraissait animé d’un air féroce, comme les visages que j’avais vu sortir du chaudron des sorcières.

Elle mit le plat sur la table, toucha tranquillement du doigt mon tuteur au bras, pour lui notifier que le dîner était prêt, et disparut. Nous prîmes place autour de la table ronde, et mon tuteur garda Drummle d’un côté, tandis que Startop s’asseyait de l’autre. C’était un