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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/329

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Là-dessus Startop l’entreprit, bien qu’avec plus de grâce que je n’en avais montrée, et l’exhorta à être un peu plus aimable.

Startop était un garçon vif et plein de gaieté, et Drummle était exactement l’opposé. Ce dernier était toujours disposé à voir en lui un affront direct et personnel. Ce dernier répondit d’une façon lourde et grossière, et Startop essaya d’apaiser la discussion, en faisant quelques légères plaisanteries qui nous firent tous rire. Piqué de ce petit succès, plus que de toute autre chose, Drummle, sans menacer, sans prévenir, tira ses mains de ses poches, laissa tomber ses épaules, jura, s’empara d’un grand verre et l’aurait lancé à la tête de son adversaire, sans la présence d’esprit de notre amphitryon, qui le saisit au moment où il s’était levé dans cette intention.

« Messieurs, dit M. Jaggers, posant résolûment le verre sur la table et tirant sa montre à répétition en or, par sa chaîne massive, je suis excessivement fâché de vous annoncer qu’il est neuf heures et demie. »

Sur cet avis, nous nous levâmes tous pour partir. Startop appelait gaiement Drummle : « Mon vieux, » comme si rien ne s’était passé ; mais le vieux était si peu disposé à répondre, qu’il ne voulut même pas regagner Hammersmith en suivant le même côté du chemin ; de sorte qu’Herbert et moi, qui restions en ville, nous les vîmes s’avancer chacun d’un côté différent de la rue, Startop marchant le premier, et Drummle se traînant derrière, rasant les maisons, comme il avait coutume de nous suivre dans son bateau.

Comme la porte n’était pas encore fermée, j’eus l’idée de laisser Herbert seul un instant, et de retourner dire un mot à mon tuteur. Je le trouvai dans son cabinet de toilette, entouré de sa provision de bottes ; il y