Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/335

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— Et vous, Joe, vous avez l’air tout à fait bien.

— Dieu merci ! dit Joe, je suis également bien ; et votre sœur ne va pas plus mal, et Biddy est toujours bonne et obligeante, et tous nos amis ne vont pas plus mal, s’ils ne vont pas mieux ; excepté Wopsle qui a fait une chute. »

Et pendant tout ce temps, prenant toujours grand soin du nid d’oiseaux qu’il tenait dans ses mains, Joe roulait ses yeux tout autour de la chambre et suivait les dessins à fleur de ma robe de chambre.

« Il a fait une chute, Joe ?

— Mais oui, dit Joe en baissant la voix ; il a quitté l’église pour se mettre au théâtre ; le théâtre l’a donc amené à Londres avec moi, et il a désiré, dit Joe en plaçant le nid d’oiseaux sous son bras gauche et en se penchant comme s’il y prenait un œuf avec sa main droite, vous offrir ceci comme je voudrais le faire moi-même. »

Je pris ce que Joe me tendait. C’était l’affiche toute chiffonnée d’un petit théâtre de la capitale, annonçant, pour cette semaine même, les premiers débuts du célèbre et renommé Roscius, amateur de province, dont le jeu sans pareil, dans les pièces les plus tragiques de notre poëte national, venait de produire dernièrement une si grande sensation dans les cercles dramatiques de la localité.

« Étiez-vous à cette représentation, Joe ? demandai-je.

— J’y étais, dit Joe avec emphase et solennité.

— A-t-il fait une grande sensation ?

— Mais oui, dit Joe ; on lui a jeté certainement beaucoup de pelures d’oranges : particulièrement au moment où il voit le fantôme. Mais je m’en rapporte à vous, monsieur, est-ce fait pour encourager un homme et lui donner du cœur à l’ouvrage, que d’intervenir à