Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/141

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— Je le serai, monsieur, répondis-je, car j’avais bien songé pendant la route à ce que j’allais dire.

— Ne vous compromettez pas, dit M. Jaggers, et ne compromettez personne… Vous entendez… personne… Ne me dites rien… je n’ai besoin de rien savoir… je ne suis pas curieux… »

Tout de suite, je m’aperçus qu’il savait que l’homme était venu.

« J’ai simplement besoin, monsieur Jaggers, dis-je, de m’assurer que ce qu’on m’a dit est vrai. Je n’ai pas le moindre espoir que ce ne soit pas vrai, mais je puis au moins tâcher de le vérifier. »

M. Jaggers fit un signe d’assentiment.

« Mais n’avez-vous pas dit : « On m’a dit ou on m’a informé ? » me demanda-t-il en tournant la tête de l’autre côté sans me regarder, et en fixant le plancher comme quelqu’un qui écoute. « Dit » impliquerait une communication verbale. Vous ne pouvez pas avoir eu, vous le savez, de communication verbale avec un homme qui se trouve dans la Nouvelle-Galles du Sud.

— Je dirai alors : « on m’a informé », monsieur Jaggers.

— Bien.

— J’ai été informé, par un homme du nom d’Abel Magwitch, qu’il est le bienfaiteur resté si longtemps inconnu.

— C’est bien l’homme, dit M. Jaggers, de la Nouvelle-Galles du Sud.

— Et lui seul ? dis-je.

— Et lui seul, dit M. Jaggers.

— Je ne suis pas assez déraisonnable, monsieur, pour vous rendre le moins du monde responsable de mes erreurs et de mes suppositions erronées, mais j’ai toujours supposé que c’était miss Havisham.

— Comme vous le dites, Pip, repartit M. Jaggers,