Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/181

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savait rien. S’il est mon avoué et s’il est celui de votre bienfaiteur, c’est une coïncidence. Il a de semblables relations avec un assez grand nombre de personnes, et cela a pu arriver naturellement ; mais, n’importe comment cette coïncidence est arrivée, soyez convaincu qu’elle n’a été amenée par personne. »

Tout le monde aurait pu voir dans son visage hagard qu’il n’y avait jusqu’ici ni subterfuge ni dissimulation dans ce qu’elle venait de dire.

« Mais lorsque je suis tombé dans l’erreur où je suis resté si longtemps, du moins vous m’y avez entretenu ? dis-je.

— Oui, répondit-elle en faisant encore un signe, je vous ai laissé aller.

— Était-ce de la bonté ?

— Qui suis-je ? s’écria miss Havisham en frappant sa canne sur le plancher et se laissant emporter par une colère si subite qu’Estelle leva sur elle des yeux surpris, qui suis-je, pour l’amour de Dieu, pour avoir de la bonté ? »

J’avais élevé une bien faible plainte et je n’avais même pas eu l’intention de le faire. Je le lui dis lorsqu’elle se rassit plus calme après cet éclat.

« Eh bien !… eh bien !… eh bien !… dit-elle, après ?…

— J’ai été généreusement payé ici pour mes anciens services, dis-je pour la calmer, en étant mis en apprentissage, et je n’ai fait ces questions que pour me renseigner personnellement. Ce qui suit a un but différent, et, je l’espère, plus désintéressé. En entretenant mon erreur, miss Havisham, vous avez voulu punir et contrarier — peut-être sauriez-vous trouver mieux que moi les termes qui pourraient exprimer votre intention sans vous offenser — vos égoïstes parents.

— Je l’ai fait, dit-elle, mais ils l’ont voulu, et vous