Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi. Quelle a été mon histoire pour que je me donne la peine de les avertir ou de les supplier, eux ou vous, pour qu’il en soit autrement ? Vous vous êtes tendu vos propres pièges, et ce n’est pas moi qui les ai tendus… »

Après avoir attendu qu’elle redevint calme, car ses paroles éclataient en cascades sauvages et inattendues, je continuai :

« J’ai été jeté dans une famille de vos parents, miss Havisham, et je suis resté constamment au milieu d’eux depuis mon arrivée à Londres. Je sais qu’ils ont été de bonne foi et trompés sur mon compte comme je l’ai été moi-même, et je serais faux et bas si je ne vous disais pas, que cela vous soit agréable ou non, que vous faites sérieusement injure à M. Mathieu Pocket et à son fils Herbert si vous supposez qu’ils sont autre chose que généreux, droits, ouverts, et incapables de quoi que ce soit de vil ou de lâche.

— Ce sont vos amis ? dit miss Havisham.

— Ils se sont faits mes amis, dis-je, quand ils supposaient que j’avais pris leur place et quand Sarah Pocket, miss Georgina et mistress Camille n’étaient pas mes amis, je pense. »

Le contraste de mes amis avec le reste de sa famille semblait, j’étais bien aise de le voir, les mettre bien avec elle. Elle me regarda avec des yeux perçants pendant un moment, puis elle dit avec calme :

« Que demandez-vous pour eux ?

— Rien, dis-je, si ce n’est que vous ne les confondiez pas avec les autres. Il se peut qu’ils soient du même sang, mais, croyez-moi, ils ne sont pas de la même nature. »

Miss Havisham répéta, en continuant à me regarder avec avidité :

« Que demandez-vous pour eux ?