Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/229

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et du Wemmick de Walworth, il n’avait que l’enveloppe.

Wemmick et moi nous prîmes congé de bonne heure et nous partîmes ensemble. Même en cherchant à tâtons nos chapeaux parmi la provision de bottes de M. Jaggers, je sentis que le vrai Wemmick était en train de revenir ; et nous n’eûmes pas parcouru douze mètres de Gerrard Street, dans la direction de Walworth, que je me trouvai marchant bras dessus bras dessous avec le bon Wemmick, et que le mauvais s’était évaporé dans l’air du soir.

« Eh bien ! dit Wemmick, c’est fini. C’est un homme surprenant qui n’a pas son pareil au monde ; mais il faut se serrer quand on dîne avec lui, et je dîne bien mieux quand je ne suis pas serré. »

Je sentais que c’était bien là le cas, et je le lui dis.

« Je ne le dirais pas à d’autre qu’à vous, répondit-il, mais je sais que ce qui se dit entre vous et moi ne va pas plus loin.

— Avez-vous jamais vu la fille adoptive de miss Havisham, Mrs  Bentley Drummle ? lui demandai-je.

— Non, » me répondit-il.

Pour éviter de paraître trop brusque, je lui parlai de son père et de miss Skiffins. Il prit un air fin quand je prononçai le nom de miss Skiffins, et s’arrêta dans la rue pour se moucher, avec un mouvement de tête et un geste qui n’étaient pas tout à fait exempts d’une secrète fatuité.

« Wemmick, dis-je, vous souvenez-vous de m’avoir dit, avant que j’allasse pour la première fois au domicile privé de M. Jaggers, de faire attention à sa gouvernante ?

— Vous l’ai-je dit, répliqua-t-il ; ma foi, je crois que oui ; le diable m’emporte ajouta-t-il tout à coup,