Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de penser à mes rêves, je vis qu’il m’était impossible de le faire.

Étais-je réellement descendu dans la Cour du Jardin, au milieu du silence de la nuit, cherchant à tâtons le bateau que je supposais y être ? Étais-je revenu à moi deux ou trois fois sur l’escalier, avec grande terreur, ne sachant pas comment j’étais sorti de mon lit ? M’étais-je trouvé en train d’allumer la lampe, poursuivi par l’idée que Provis montait l’escalier et que les lumières étaient éteintes ? Avais-je été énervé d’une manière ou d’une autre, par les discours incohérents, le rire ou les gémissements de quelqu’un, et avais-je soupçonné en partie que ces sons venaient de moi-même ? Y avait-il eu une fournaise en fer placée dans un des coins noirs de la chambre, et une voix avait-elle crié sans cesse que miss Havisham y brûlait ? C’était là autant de choses que je me demandais et que j’essayais de m’expliquer en mettant un peu d’ordre dans mes idées tout en restant étendu sur mon lit. Mais il me semblait que la vapeur d’un four à chaux arrivait entre mes idées et moi et y mettait le désordre et la confusion ; c’est à travers cette vapeur qu’à la fin je vis deux hommes me regarder.

— Que voulez-vous ? demandai-je en tressaillant ; je ne vous connais pas.

— Mais, monsieur, répondit l’un d’eux en s’inclinant et en me touchant l’épaule, c’est une affaire qui sans doute sera bientôt arrangée, mais vous êtes arrêté.

— Pour quelle dette ?

— Pour cent vingt-trois livres, quinze shillings et six pence. C’est pour le compte du bijoutier, je crois.

— Que faut-il faire ?

— Le mieux serait de venir chez moi, dit l’homme ; je tiens une maison très-convenable. »