Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/67

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doux et si bon dans toute sa personne, que je ne pouvais supporter l’idée de la faire pleurer encore. Après avoir considéré un moment ses yeux baissés, pendant qu’elle marchait à côté de moi, je changeai donc de conversation.

« Je suppose qu’il te sera difficile de rester ici maintenant, chère Biddy.

— Oh ! je ne le puis, monsieur Pip, dit Biddy d’un ton de regret mais cependant de profonde conviction. J’ai parlé à Mrs  Hubble, et je dois aller chez elle demain ; j’espère qu’ensemble nous pourrons avoir soin de M. Gargery jusqu’à ce qu’il ait pris ses arrangements.

— Comment vas-tu vivre, Biddy ? Si tu as besoin d’ar…

— Comment je vais vivre ? répéta Biddy avec une rougeur fugitive, je vais vous le dire, monsieur Pip. Je vais tâcher d’obtenir la place de maîtresse dans la nouvelle école qu’on finit de bâtir ici ; je puis me faire bien recommander par tous les voisins, et j’espère être à la fois appliquée et patiente, et m’instruire moi-même en instruisant les autres. Vous savez, monsieur Pip, continua Biddy avec un sourire, en levant les yeux sur moi, les nouvelles écoles ne sont pas comme les anciennes ; mais j’ai appris beaucoup, grâce à vous, depuis ce temps-là, et j’ai eu le temps de faire des progrès.

— Je pense que tu feras toujours des progrès, Biddy, dans n’importe quelle circonstance.

— Ah ! pourvu que ce ne soit pas du mauvais côté de la nature humaine ! » murmura Biddy.

C’était moins un reproche intentionnel à mon adresse, qu’une pensée involontairement échappée.

« Eh bien ! pensai-je, je vais aussi laisser de côté ce sujet-là. »