Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/83

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« Ah ! j’ai entendu dire que mon fils était très-habile dans sa partie, monsieur. »

Je fis plusieurs signes successifs.

« Oui, c’est ce qu’on m’a dit. Il s’occupe de jurisprudence. »

Je fis des signes sans interruption.

« Ce qui me surprend beaucoup chez mon fils, dit le vieillard, car il n’a pas été élevé dans cette partie, mais dans la tonnellerie. »

Curieux de savoir ce que le vieillard connaissait de la réputation de M. Jaggers, je lui hurlai ce nom à l’oreille. Il me jeta dans une grande confusion en se mettant à rire de tout son cœur, et en répliquant d’une manière très-fine :

« Non, à coup sûr, vous avez raison ! »

Et, à l’heure qu’il est, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il voulait dire, ni de la plaisanterie qu’il croyait que j’avais faite.

Comme je ne pouvais pas rester à lui faire perpétuellement des signes de tête, je lui demandai en criant s’il avait exercé la profession de tonnelier. À force de hurler ce mot plusieurs fois, en frappant doucement sur le ventre du vieillard, pour mieux attirer son attention, je réussis enfin à me faire comprendre.

« Non, dit-il, un magasin… un magasin… d’abord, là-bas. »

Il semblait me montrer la cheminée ; mais je crois qu’il voulait dire à Liverpool.

« Et puis, dans la Cité de Londres, ici. Cependant, ayant une infirmité, car j’ai l’oreille dure, monsieur… »

J’exprimai par gestes le plus grand étonnement.

« Oui, j’ai l’oreille dure, et voyant cette infirmité, mon fils s’est mis dans la jurisprudence et il a pris