Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/12

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ler et de serrer ses effets dans son portemanteau. Les grands hommes sont rarement très-scrupuleux pour leur costume : aussi la barbe, la toilette, le déjeuner se succédèrent-ils rapidement. Au bout d’une heure M. Pickwick était arrivé à la place des voitures de Saint-Martin le Grand, ayant son portemanteau sous son bras, son télescope dans la poche de sa redingote, et dans celle de son gilet son mémorandum, toujours prêt à recevoir les découvertes dignes d’être notées.

« Cocher ! cria M. Pickwick.

— Voilà, monsieur ! répondit un étrange spécimen du genre homme, lequel avec son sarrau et son tablier de toile, portant au cou une plaque de cuivre numérotée, avait l’air d’être catalogué dans quelque collection d’objets rares. C’était le garçon de place. Voilà, monsieur. Hé ! cabriolet en tête ! » Et le cocher étant sorti de la taverne où il fumait sa pipe, M. Pickwick et son portemanteau furent hissés dans la voiture.

— Golden-Cross, dit M. Pickwick.

— Ce n’est qu’une méchante course d’un shilling, Tom, cria le cocher d’un ton de mauvaise humeur, pour l’édification du garçon de place, comme la voiture partait.

— Quel âge a cette bête-là, mon ami ? demanda M. Pickwick en se frottant le nez avec le shilling qu’il tenait tout prêt pour payer sa course.

— Quarante-deux ans, répliqua le cocher, après avoir lorgné M. Pickwick du coin de l’œil.

— Quoi ! s’écria l’homme illustre en mettant la main sur son carnet. »

Le cocher réitéra son assertion ; M. Pickwick le regarda fixement au visage ; mais il ne découvrit aucune hésitation dans ses traits, et nota le fait immédiatement.

« Et combien de temps reste-t-il hors de l’écurie, continua M. Pickwick, cherchant toujours à acquérir quelques notions utiles.

— Deux ou trois semaines.

— Deux ou trois semaines hors de l’écurie ! dit le philosophe plein d’étonnement ; et il tira de nouveau son portefeuille.

— Les écuries, répliqua froidement le cocher, sont à Pentonville ; mais il y entre rarement à cause de sa faiblesse.

— À cause de sa faiblesse ? répéta M. Pickwick avec perplexité.

— Il tombe toujours quand on l’ôte du cabriolet. Mais au contraire quand il y est bien attelé, nous tenons les guides