Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/206

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avait été dupé, bafoué par le pauvre diable qui se trouvait maintenant en son pouvoir. Faut-il dire la vérité ? C’était quelque chose qui sortait du gousset de M. Pickwick et qui sonna dans la main de Job ; et, lorsque notre excellent ami s’éloigna précipitamment, une étincelle humide brillait dans son œil et son cœur était gonflé.

En rentrant dans sa chambre, M. Pickwick y trouva Sam, qui contemplait ces nouveaux arrangements avec une sombre satisfaction, fort curieuse à voir. Décidément opposé à ce que son maître demeurât là, en aucune manière, il considérait comme un devoir moral de ne paraître content d’aucune chose qui y serait faite, dite, suggérée ou proposée.

« Eh bien ! Sam ?

— Eh bien ! monsieur ?

— Assez confortable, maintenant, n’est-ce pas ?

— Oui, pas mal, monsieur, répondit Sam en regardant autour de lui d’une manière méprisante.

— Avez-vous vu M. Tupman et nos autres amis ?

— Oui, monsieur. Ils viendront demain ; et ils ont été bien surpris d’apprendre qu’ils ne devaient pas venir aujourd’hui.

— Vous m’avez apporté les choses dont j’avais besoin ? »

Pour toute réponse, Sam montra du doigt différents paquets qui étaient arrangés aussi proprement que possible dans un coin de la chambre.

« Très-bien, dit M. Pickwick ; et, après un peu d’hésitation, il ajouta : Écoutez ce que j’ai à vous dire, Sam.

— Certainement, monsieur ; faites feu, monsieur.

— Sam, poursuivit M. Pickwick avec beaucoup de solennité, j’ai senti, dès le commencement, que ce n’est pas ici un endroit convenable pour un jeune homme.

— Ni pour un vieux, non plus, monsieur.

— Vous avez tout à fait raison, Sam. Mais les vieillards peuvent venir ici à cause de leur imprudente confiance, et les jeunes gens peuvent y être amenés par l’égoïsme de ceux qu’ils servent. Il vaut mieux, pour ces jeunes gens, sous tous les rapports, qu’ils ne restent point ici. Me comprenez-vous, Sam ?

— Ma foi ! non, monsieur ; non, répondit Sam d’un ton obstiné.

— Essayez, Sam.

— Eh bien ! monsieur, répliqua Sam après une courte pause je crois voir où vous voulez en venir ; et, si je vois où vous voulez en venir, c’est mon opinion que c’est un peu trop fort,