— Allons ! allons ! ça ne prendra pas. Je voudrais bien avoir un riche ennemi qui tramerait ma destruction de cette manière-là. Je me laisserais faire.
— Ah ! j’étais sûr que vous ne me croiriez pas, dit le savetier, en fumant sa pipe avec une résignation philosophique. J’en ferais autant à votre place. C’est pourtant vrai malgré ça.
— Comment ça se peut-il ? demanda Sam, déjà à moitié convaincu par l’air tranquille du savetier.
— Voilà comment. Un vieux gentleman, pour qui je travaillais dans la province, et dont j’avais épousé une parente (elle est morte, grâce à Dieu ! puisse-t-il la bénir !) eut une attaque et s’en alla.
— Où ? demanda Sam qui, après les nombreux événements de la soirée, était un peu endormi.
— Est-ce que je puis savoir ça ? répondit le savetier, en parlant à travers son nez, pour mieux jouir de sa pipe. Il mourut.
— Ah ! bien ! Et ensuite ?
— Ensuite, il laissa cinq mille livres sterling.
— C’était bien distingué de sa part.
— Il me laissa mille livres à moi, parce que j’avais épousé une de ses parentes, voyez-vous.
— Très-bien, murmura Sam.
— Et étant entouré d’un grand nombre de nièces et de neveux, qui étaient toujours à se disputer, il me fit son exécuteur et me chargea de diviser le reste entre eux, comme fidéi-commissaire.
— Qu’est-ce que vous entendez par-là, demanda Sam, en se réveillant un peu. Si ce n’est pas de l’argent comptant, à quoi ça sert-il ?
— C’est un terme de loi qui veut dire qu’il avait confiance en moi.
— Je ne crois pas ça, répartit Sam en hochant la tête ; il n’y a guère de confiance dans cette boutique-là. Mais c’est égal ; marchez.
— Pour lors, dit le savetier ; comme j’allais faire enregistrer le testament, les nièces et les neveux, qui étaient furieux de ne pas avoir tout l’argent, s’y opposent par un caveat.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Un instrument légal. Comme qui dirait : halte-là !
— Je vois ; un parent du ayez sa carcasse. Ensuite ?