Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/345

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qui s’entremêlent continuellement, d’une manière ou d’une autre, avec la dette nationale, les bons du trésor et tout ça ?

— Ah ! les fonds publics.

— Oui, les fontes publiques. Deux cents livres sterling, qui seront placées pour toi dans les fontes, quatre et demi pour cent, Sammy.

— C’est très-aimable de la part de la vieille lady, d’avoir pensé à moi, et je lui en suis fort obligé.

— Le reste sera placé en mon nom, et quand je recevrai ma feuille de route, ça te reviendra. Ainsi prends garde de ne pas tout dépenser d’un coup, mon garçon, et fais attention qu’il n’y ait pas quelque veuve qui se doute de ta fortune, ou bien te voilà enfoncé ! »

Ayant proféré cet avertissement paternel, M. Weller reprit sa pipe avec une contenance plus sereine, son esprit étant en apparence considérablement soulagé par la révélation qu’il venait de faire à son fils.

« On frappe, dit Sam au bout d’un moment.

— Laisse-les frapper, » répondit son père avec dignité.

Sam demeurant donc immobile, un autre coup se fit entendre, puis un autre, puis une longue succession de coups, et Sam demandant pourquoi la personne qui tapait n’était pas admise :

« Chut ! murmura M. Weller avec un air d’appréhension ; n’y fais pas attention, Sammy, c’est une veuve peut-être. »

Au bout de quelque temps l’invisible tapeur, remarquant qu’on ne s’occupait pas de lui, s’aventura à entr’ouvrir la porte pour jeter un coup d’œil dans la chambre, et l’on aperçut alors par l’ouverture, non pas une tête féminine, mais les longs cheveux noirs et la face rougeaude de M. Stiggins.

La pipe du vieux cocher lui tomba des mains.

Le révérend gentleman entre-bâilla la porte par un mouvement presque imperceptible, jusqu’à ce que l’ouverture fût assez large pour permettre le passage de son corps décharné, puis il se glissa dans la chambre et referma la porte avec soin et sans faire de bruit. Se tournant alors vers Sam il leva ses yeux et ses mains vers le plafond, en témoignage du chagrin inexprimable que lui avait causé la calamité tombée sur la famille ; puis il porta le grand fauteuil dans un coin, auprès du feu, et s’asseyant sur le bord du siége, tira de sa poche un mouchoir brun, et l’appliqua à ses yeux.

Tandis que ceci se passait, M. Weller était demeuré sur sa chaise, les yeux démesurément ouverts, les mains plantées