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Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/346

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sur ses genoux, et toute sa contenance exprimant la stupéfaction la plus accablante. Sam placé vis-à-vis de lui attendait en silence et avec une inquiète curiosité, la fin de cette scène.

M. Stiggins tint, pendant quelques minutes, le mouchoir brun devant ses yeux, tout en gémissant d’une manière décente. Ensuite, ayant surmonté sa tristesse par un violent effort, il remit son mouchoir dans sa poche et l’y boutonna ; après quoi il attisa le feu, frotta ses mains, et regarda Sam.

« Oh ! mon jeune ami, dit-il en rompant le silence, mais d’une voix très-basse ; voilà une terrible affliction pour moi. »

Sam baissa légèrement la tête.

« Et pour l’impie également ! Cela fait saigner le cœur. »

Sam crut entendre son père murmurer quelque chose sur un nez qui pourrait bien aussi saigner ; mais M. Stiggins ne l’entendit point.

Le révérend rapprocha sa chaise de Sam.

« Savez-vous, jeune homme, lui dit-il, si elle a légué quelque chose à Emmanuel ?

— Qui c’est-il ? demanda Sam.

— La chapelle…, notre chapelle…, notre troupeau, monsieur Samuel.

— Elle n’a rien laissé pour le troupeau, rien pour le berger, rien pour les animaux, ni pour les chiens non plus, » répondit Sam d’un ton décisif.

M. Stiggins regarda Sam finement, jeta un coup d’œil au vieux gentleman qui avait fermé les yeux, comme s’il s’était endormi, et rapprochant encore sa chaise de Sam, lui dit :

« Rien pour moi, monsieur Samuel ? »

Sam secoua la tête.

« Il me semble qu’il doit y avoir quelque chose, dit Stiggins en devenant aussi pâle que cela lui était possible. Rappelez-vous bien, monsieur Samuel, pas un petit souvenir ?

— Pas seulement la valeur de votre vieux parapluie.

— Peut-être, reprit avec hésitation M. Stiggins, après quelques minutes de réflexion profonde ; peut-être qu’elle m’a recommandé aux soins de l’impie ?

— C’est fort probable, d’après ce qu’il m’a dit. Il me parlait de vous tout à l’heure.

— Vraiment ! s’écria M. Stiggins en se rassérénant. Ah ! il est changé, je l’espère ? Nous pourrons vivre très-confortablement ensemble maintenant, monsieur Samuel. Je pourrai