Aller au contenu

Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur place pour la journée ; les femmes de ménage, en savates, se retiraient précipitamment ; le facteur courait de maison en maison, et toute la ruche légale se montrait pleine d’agitation.

« Vous voilà de bien bonne heure, monsieur Pickwick, dit une voix derrière notre savant ami.

— Ah ! ah ! monsieur Lowten ! répliqua M. Pickwick en se retournant.

— Il fait joliment chaud à marcher, reprit Lowten en tirant de sa poche une clef Bramah, garnie d’un petit fausset, pour empêcher l’entrée de la poussière.

— Il paraît que vous vous en êtes aperçu, dit M. Pickwick au clerc qui était rouge comme une écrevisse.

— Je suis venu un peu vite. Il était neuf heures et demie quand j’ai traversé le Polygone ; mais comme je suis arrivé avant lui, ça m’est égal ! »

Consolé par cette réflexion, M. Lowten ôta la cheville de sa clef, ouvrit la porte, rechevilla et rempocha son bramah, recueillit les lettres que le facteur avait mises dans la boîte, et introduisit M. Pickwick dans son cabinet. Là, en un clin d’œil, il se dépouilla de son habit, tira d’un pupitre et endossa un vêtement râpé jusqu’à la corde, accrocha son chapeau, tira quelques feuilles de papier-cartouche, disposées par lits alternatifs avec des feuillets de papier buvard, et posant sa plume sur son oreille, frotta ses mains avec un air de grande satisfaction.

« Vous voyez, monsieur Pickwick, me voilà au grand complet ! J’ai mis mon habit de bureau, ma boutique est ouverte ; il peut venir maintenant aussi vite qu’il voudra. Est-ce que vous n’avez pas une prise de tabac à me donner ?

— Je n’en ai pas, malheureusement.

— Tant pis ! mais c’est égal, je vais courir chercher une bouteille de soda-water. N’ai-je pas quelque chose de drôle dans les yeux, monsieur Pickwick ? »

Le philosophe consulté examina d’une certaine distance les yeux de M. Lowten, et exprima son opinion qu’ils n’avaient rien de plus drôle qu’à l’ordinaire.

« J’en suis bien aise, reprit leur possesseur. Nous ne nous en sommes pas mal donné, la nuit passée, à la Souche, et je me sens tout farce, ce matin. — À propos, Perker s’occupe de votre affaire.

— Quelle affaire ? Les frais pour mistress Bardell ?

— Non, l’affaire du débiteur pour qui nous avons racheté