Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/376

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mant captif, avec un visage pourpre de confusion, était soudainement sorti de la chambre à coucher, et faisait un salut général à toute la compagnie.

« Oh ! ah ! s’écria M. Wardle en lâchant le collet du gros joufflu et en reculant d’un pas, qu’est-ce que cela signifie ?

— Monsieur, répliqua M. Snodgrass, je suis caché dans la chambre voisine depuis votre retour.

— Émilie, ma fille, dit M. Wardle d’un ton de reproche, vous savez pourtant bien que je déteste les cachoteries et les mensonges. Ceci est tout à fait indélicat et inexcusable. Je ne méritais pas cela de votre part, Émilie, en vérité.

— Cher papa, dit Émilie, j’ignorais qu’il était là. Arabelle peut vous le dire, et Joe aussi, et tout le monde. Auguste, au nom du ciel, expliquez-vous ! »

M. Snodgrass, qui avait attendu seulement qu’on voulût bien l’entendre, raconta immédiatement comment il avait été placé dans cette position embarrassante ; comment la crainte d’exciter des dissensions domestiques l’avait seule engagé à éviter la rencontre de M. Wardle ; comment il voulait simplement s’en aller par une autre porte, et comment, la trouvant fermée, il avait été forcé de rester, contre sa volonté. Il termina en disant qu’il se trouvait placé dans une situation pénible ; mais qu’il le regrettait moins maintenant, puisque c’était une occasion de déclarer devant leurs amis communs qu’il aimait profondément et sincèrement la fille de M. Wardle ; qu’il était orgueilleux d’avouer que leur penchant était mutuel, et que, quand même il serait séparé d’elle par des milliers de lieues, quand même l’Océan roulerait entre eux ses ondes infinies, il n’oublierait jamais un seul instant cet heureux jour où, pour la première fois, etc., etc., etc.

Ayant péroré de cette manière, M. Snodgrass salua encore, regarda dans son chapeau, et se dirigea vers la porte.

« Arrêtez ! s’écria M. Wardle. Pourquoi, au nom de tout ce qui est…

— Inflammable, suggéra doucement M. Pickwick, pensant qu’il allait venir quelque chose de pis.

— Eh bien ! au nom de tout ce qui est inflammable, dit M. Wardle en adoptant cette variante, pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela, à moi, en premier lieu ?

— Ou pourquoi ne vous êtes-vous pas confié à moi ? ajouta M. Pickwick.

— Voyons, dit Arabelle, en se chargeant de la défense, à