Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/55

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pier, relevait les parements de son habit, étalait ses coudes, et se préparait à écrire.

Écrire une lettre n’est pas la chose du monde la plus facile, pour les ladies et les gentlemen qui ne se dévouent pas habituellement à la science de la calligraphie. Dans des cas semblables, l’écrivain a toujours considéré comme nécessaire d’incliner sa tête sur son bras gauche, de manière à placer ses yeux, autant que possible, au même niveau que son papier, et, tout en considérant de côté les lettres qu’il construit, de former avec sa langue des caractères imaginaires pour y correspondre. Or, quoique ces mouvements favorisent incontestablement la composition, ils retardent quelque peu les progrès de l’écrivain. Aussi y avait-il plus d’une heure et demie que Sam s’appliquait à écrire, en caractères menus, effaçant avec son petit doigt les mauvaises lettres, pour en mettre d’autres à la place, et repassant plusieurs fois sur celles-ci, afin de les rendre lisibles, lorsqu’il fut rappelé à lui-même, par l’entrée du respectable M. Weller.

« Eh ben ! Sammy, dit le père.

— Eh bien ! Bleu de Prusse, répondit le fils, en déposant sa plume. Que dit le dernier bulletin de la santé de belle-mère ?

— Mme Weller a passé une bonne nuit ; mais elle est d’une humeur joliment massacrante ce matin. Signé z’avec serment Tony Weller, squire. Voilà le dernier bulletin, Sammy, répliqua M. Weller en dénouant son châle.

— Ça ne va donc pas mieux ?

— Tous les symptômes agravés, dit le père en hochant la tête. Mais qu’est-ce que vous faites donc là Sammy ? Instruction primaire, hein ?

— J’ai fini maintenant, répondit Sam avec un léger embarras ; j’étais en train d’écrire.

— Je le vois bien, pas à une jeune femme, j’espère ?

— Ma foi, ça ne sert à rien de dissimuler, c’est un Valentin.

— Un quoi ? s’écria le père, que le son de ces mots semblait frapper d’horreur.

— Un Valentin.

— Samivel, Samivel ! reprit le père d’un ton plein de reproches, je n’aurais pas cru cela de toi, après l’exemple que tu as eu des penchants vicieux de ton père, après tout ce que je t’ai raisonné sur ce sujet ici, après avoir vécu toi-même avec ta