belle-mère, qu’est une leçon morale qu’un homme ne doit pas oublier, jusqu’à la fin de ses jours ; je ne pensais pas que tu aurais fait cela, Samivel, non, je ne l’aurais pas cru ! »
Ces réflexions étaient trop pénibles pour l’infortuné père ; il porta le verre de Sam à ses lèvres, et en but le contenu, tout d’un trait.
« Comment ça va-t-il maintenant ? lui demanda son fils.
— Ah ! Sammy, ça sera une furieuse épreuve de voir ça à mon âge ! Heureusement que je suis passablement coriace, et c’est une consolation, comme disait le vieux dindon, quand le fermier l’avertit qu’il était obligé de le tuer pour le porter au marché.
— Qu’est-ce qui sera une épreuve ?
— De te voir marié, Sammy ; de te voir comme une victime abusée, qui s’imagine que tout est rose. C’est une épreuve effroyable pour les sentiments d’un père, Sammy !
— Bêtises ! je ne suis pas pour me marier ; ne vous vexez pas pour cela. Demandez plutôt votre pipe, je m’en vas vous lire ma lettre ; là ! »
Nous ne saurions dire positivement si le chagrin de M. Weller fut calmé par la perspective de sa pipe ou par la pensée qu’il y avait dans sa famille une propension fatale au mariage, contre laquelle il était inutile de vouloir lutter. Nous sommes porté à croire que cet heureux résultat fut atteint à la fois par ces deux sources combinées de consolation, car il répéta fréquemment la seconde à voix basse, pendant qu’il sonnait pour se faire apporter la première. Ensuite il se débarrassa de sa houppelande, alluma sa pipe, et se plaça le dos au feu, de manière à en recevoir toute la chaleur et à s’appuyer en même temps sur le manteau de la cheminée ; puis il tourna vers Sam son visage notablement adouci par la bénigne influence du tabac, et l’engagea à démarrer.
Sam plongea sa plume dans l’encre pour être prêt à faire des corrections, et commença d’un air théâtral.
« Aimable… »
« Halte ! dit M. Weller en tirant la sonnette. Un double verre de l’invariable, ma chère.
— Très-bien, monsieur, répondit la jeune fille ; et avec une singulière prestesse elle disparut, revint et redisparut.
— Ils ont l’air de connaître vos idées, ici, fit observer Sam.
— Oui, répondit son père ; j’y ai z’été qué’que fois dans ma vie. Allons Sam. »