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Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/57

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« Aimable créature… »

« Est-ce que c’est des verses ?

— Non, non.

— Tant mieux. Les verses, ce n’est pas naturel. I’ n’y a pas un homme qui parle en verses, excepté la circulaire du bedeau, le jour des étrennes, les annonces du cirage de Warren, ou l’huile de Macassar, ou qué’que gens de ce poil là. Ne te laisse jamais aller à parler en verses, mon garçon, c’est trop commun ! Recommence-moi un peu ça, Sammy. »

Cela dit, M. Weller reprit sa pipe avec une solennité d’Aristarque, et Sam, recommençant pour la troisième fois, lut ainsi qu’il suit :

« Aimable créature, je sens que mon cœur est bigrement… »

« Cela n’est pas convenable, interrompit M. Weller, en ôtant sa pipe de sa bouche.

— Non, ça n’est pas bigrement, dit Sam, en tournant la lettre plus au jour. C’est joliment ; il y a un pâté là. Je sens que mon cœur est joliment tonteux.

— Très-bien, marchez.

— Est joliment tonteux et sir… J’ai oublié le mot qu’il y a là, dit Sam, en se grattant l’oreille avec sa plume.

— Pourquoi ne le regardes-tu pas alors ?

— C’est ce que je fais, mais il y a un autre pâté. Il y a un s et un i et un r.

— Circonscrit, peut-être ? suggéra M. Weller.

— Non ce n’est pas cela. Sirconvenu voilà.

— Ça n’est pas un aussi beau mot que circonscrit, dit M. Weller gravement.

— Vous croyez ?

— Sûr et certain.

— Vous ne trouvez pas que ça dit plus de choses ?

— Eh ! Eh ! fit M. Weller après un moment de réflexion. C’est peut-être un mot plus tendre. Va toujours, Sammy. »

« — Mon cœur est joliment tonteux et sirconvenu quant je me rat pelle de vous, car vous ête un joli brain de fille, et je voudrais bien qu’on vînt me dire le contraire… »

« Voilà une belle pensée, dit M. Weller, en ôtant sa pipe, pour laisser sortir cette remarque.

— Oui, je crois qu’elle n’est pas mauvaise, répondit son fils, singulièrement flatté.

— Ce que j’aime dans ton style, c’est que tu ne donnes pas un tas de noms aux gens ; tu n’y mets pas de Vénus, ni d’au-