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Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/88

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Samuel Weller monta lentement dans la tribune au moment où son nom fut prononcé. Il posa son chapeau sur le plancher, ses bras sur la balustrade, et examina la cour, à vol d’oiseau, avec un air remarquablement gracieux et jovial.

« Quel est votre nom, monsieur ? demanda le juge.

— Sam Weller, milord, répliqua ce gentleman.

— L’écrivez-vous avec un V ou un W ?

— Ça dépend du goût et de la fantaisie de celui qui écrit, milord. Je n’ai eu cette occasion qu’une fois ou deux dans ma vie, mais je l’écris avec un V. »

Ici on entendit dans la galerie une voix qui criait : « C’est bien ça, Samivel ; c’est bien ça. Mettez un V, milord.

— Qui est-ce qui se permet d’apostropher la cour, s’écria le petit juge en levant les jeux. Huissier !

— Oui, milord.

— Amenez cette personne ici, sur-le-champ.

— Oui, milord. »

Mais comme l’huissier ne put trouver la personne, il ne l’amena pas, et après une grande commotion, tous les assistants, qui s’étaient levés pour regarder le coupable, se rassirent.

Aussitôt que l’indignation du petit juge lui permit de parler, il se tourna vers le témoin et lui dit :

« Savez-vous qui c’était, monsieur ?

— Je suspecte un brin que c’était mon père, milord.

— Le voyez-vous maintenant ?

— Non, je ne le vois pas, milord, répliqua Sam, en attachant ses yeux à la lanterne par laquelle la salle était éclairée.

— Si vous aviez pu me le montrer, je l’aurais fait empoigner sur-le-champ, reprit l’irascible petit juge. »

Sam fit un salut plein de reconnaissance et se retourna vers Me Buzfuz, avec son air de bonne humeur imperturbable.

« Maintenant monsieur Weller, dit Me Buzfuz.

— Voilà, monsieur, répliqua Sam.

— Vous êtes, je crois, au service de M. Pickwick, le défendeur en cette cause ? Parlez s’il vous plaît, monsieur Weller.

— Oui, monsieur, je vas parler. Je suis au service de ce gentleman ici, et c’est un très-bon service.

— Pas grand’chose à faire, et beaucoup à gagner, je suppose ? dit l’avocat, d’un air farceur.