Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/89

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— Ah ! oui, suffisamment à gagner, monsieur, comme disait le soldat, quand on le condamna à cent cinquante coups de fouet.

— Nous n’avons pas besoin de ce qu’a dit le soldat, monsieur, ni toute autre personne, interrompit le juge.

— Très-bien, milord.

— Vous rappelez-vous, dit Me Buzfuz, en reprenant la parole, vous rappelez-vous quelque chose de remarquable qui arriva dans la matinée où vous fûtes engagé par le défendeur ? voyons ! monsieur Weller ?

— Oui, monsieur.

— Ayez la bonté de dire au jury ce que c’était.

— J’ai eu un habillement complet tout neuf, ce matin-là, messieurs du jury, et c’était une circonstance très-remarquable pour moi, dans ce temps-là. »

Ces mots excitèrent un éclat de rire général, mais le petit juge, regardant avec colère par-dessus son bureau : « Monsieur, dit-il, je vous engage à prendre garde.

— C’est ce que M. Pickwick m’a dit dans le temps, milord ; et j’ai pris bien garde à conserver ces habits-là, véritablement, milord. »

Pendant deux grandes minutes, le juge regarda sévèrement le visage de Sam, mais voyant que ses traits étaient complètement calmes et sereins, il ne dit rien, et fit signe à l’avocat de continuer.

« Est-ce que vous prétendez me dire, monsieur Weller, reprit Me Buzfuz en croisant ses bras emphatiquement et en se tournant à demi vers le jury, comme pour l’assurer silencieusement qu’il viendrait à bout du témoin, est-ce que vous prétendez me dire, monsieur Weller, que vous n’avez pas vu la plaignante évanouie dans les bras du défendeur, comme vous venez de l’entendre décrire par les témoins ?

— Non certainement : j’étais dans le corridor jusqu’à ce qu’ils m’ont appelé, et la vieille lady était partie alors.

— Maintenant faites attention, monsieur Weller, continua Me Buzfuz, en trempant une énorme plume dans son encrier, afin d’effrayer Sam, en lui faisant voir qu’il allait noter sa réponse. Vous étiez dans le corridor et vous n’avez rien vu de ce qui se passait. Avez-vous des yeux, monsieur Weller ?

— Oui, j’en ai des yeux, et c’est justement pour ça. Si c’étaient des microscopes au gaz, brevetés pour grossir cent mille millions de fois, j’aurais peut-être pu voir à travers les esca-